Rechercher

L’homme debout – Le credo de saint Irénée (Donna Singles)

Cerf, Paris, 2008, 156p.
R. Staub

Donna Singles est née aux États-Unis ; religieuse enseignante à 20 ans, elle fit des études théologiques à Lyon, une vingtaine d’années plus tard, en 1967, qu’elle a couronnées par une thèse sur « Le salut de l’homme chez saint Irénée ». Dans ces quelque 150 pages, elle réussit parfaitement son projet de faire connaître à un public plus large la pensée d’Irénée. Bien que posthume, ce petit livre lumineux est entièrement de sa main et témoigne à chaque page de sa longue familiarité avec l’œuvre d’Irénée et de son enthousiasme pour ce grand théologien. La clarté de son style et la facilité d’accès à ses développements et explications donnent un très beau fruit, mûr et encore tout frais de toute une carrière d’enseignement.

En introduction, elle campe brièvement le personnage : deuxième évêque de Lyon, venu en Gaule romaine d’un autre rive, de Smyrne/ Izmir – comme l’auteur venait d’Outre-Atlantique – et le replace dans son époque, la fin du IIe siècle, avec ses persécutions et ses dangers religieux, les gnostiques (Valentiniens) et les marcionites. Puis elle a l’idée originale et heureuse de nous présenter la théologie d’Irénée en suivant les articles du Credo. Ce procédé lui permet de nous donner à la fois un condensé magistral de la pensée d’Irénée et de relever beaucoup de questions et des réponses d’une actualité surprenante. C’est que cette théologie, synthétique et dynamique, est assez éloignée des formules abstraites de la christologie des conciles plus tardifs : c’est une vision joyeuse de la venue du Christ, tout imprégnée du sens de la croissance de la vie, un appel à participer à la symphonie inachevée de la Création.

On ne résume pas un livre comme celui-ci, qui est lui-même un résumé concis et riche de l’œuvre du premier grand théologien de l’Église, mais on peut essayer de choisir quelques perles dont le beau texte de Donna Singles abonde : « Aux yeux d’Irénée, c’était dans la logique des choses que Dieu prépare un lieu beau et bon pour que l’homme soit logé dignement pendant son séjour sur terre » (p. 26). L’œuvre prodigieuse de la création ex nihilo n’a qu’un seul auteur, Dieu, mais qui, par ses propres « mains » - le Verbe et l’Esprit créateurs – ne cesse de s’engager lui-même, du commencement jusqu’à la fin des temps, dans sa Création. Magnifique intuition trinitaire chez Irénée dont le génie se compare, selon Hans Urs von Balthasar, à celui d’un Mozart dans le domaine musical !

Si pour Irénée, c’était la chose la plus normale qui soit, que le Verbe, qui a présidé à la création de l’homme, vienne lui-même dans son propre domaine – ce monde-ci – pour révéler à l’homme la pleine signification de sa création (p. 43), il faut « penser la vie tout entière du Christ comme salvatrice » (p. 61). Et si la Création est, chez Irénée, une œuvre « trinitaire », la croix du Christ nous est montrée dans sa dimension cosmique et eschatologique, comme la figure pour la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur du dessein de Dieu (p. 73).

Dans son chapitre sur la « sainte Église catholique », Donna Singles nous donne des éclairages très pertinents et actuels sur le ministère des évêques, sur le caractère apostolique « de l’Église présente partout dans le monde  » (p. 116) et l’importance hors pair de « l’Église de Rome » grâce au martyre des deux grands apôtres, Pierre et Paul.

Le livre se termine par un chapitre à part, sur un sujet particulièrement cher à l’auteur et à saint Irénée : l’amitié – son expérience humaine et celle entre Dieu et l’homme. « Dieu nous désire. C’est là l’affirmation la plus extraordinaire de la foi chrétienne et qu’Irénée ne cesse de proclamer » (p. 155). Je souhaite beaucoup de lecteurs à ce livre, et à beaucoup d’entre eux, de découvrir par lui une grande pensée théologique d’un dynamisme et d’une fraîcheur intellectuelle qui sont bien à même de renouveler et revigorer notre propre foi et lui donner comme le parfum d’un printemps neuf.

Réalisation : spyrit.net