Rechercher

La Bible latine : de la Vetus latina à la Néo-Vulgate

Pierre Gandil

Quel est l’intérêt de s’étendre longuement sur la Bible latine ? Le latin est une langue morte et il est bien plus commode de s’en remettre aux traductions en langue vernaculaire. Ou si un scrupule nous pousse à interroger le texte original, ce n’est pas le latin mais le grec ou l’hébreu qu’il faudrait consulter. Pourtant, à la différence des diverses traductions de la Bible, la Bible latine, sous sa forme de Néo-Vulgate, fait autorité. De plus, elle est le modèle des traductions utilisées dans la liturgie. Qu’est-ce qui explique cette situation de faveur ? Le fait, qui en luimême suffirait à justifier notre intérêt, que l’Occident n’a presque connu que la Bible latine pendant près d’un millénaire. C’est un point d’autant plus important qu’il tient aux spécificités du catholicisme : l’Ecriture s’est transmise au sein de l’Eglise, aussi la manière dont l’Eglise l’a reçue est-elle un élément essentiel de la tradition.

Nous verrons l’importance que revêt le respect de la tradition aux origines mêmes de la Bible latine, dans la Vetus latina puis dans la Vulgate. Nous étudierons ensuite l’évolution de la Bible latine au Moyen Age. Le renouveau de la critique philologique à la Renaissance suscite des controverses sur la Bible. Le concile de Trente y répond et donne lieu aux premières éditions officielles de la Vulgate. Au XXème siècle, de nouvelles réflexions conduisent le Concile Vatican II à décider l’édition de la Néo-Vulgate.

1) La Vetus Latina [1]

La diffusion du christianisme en Occident se fait d’abord dans un milieu hellénophone. Il y suit les mêmes voies que le judaïsme et fait figure de religion orientale, pratiquée par des « Syriens » (terme générique désignant les communautés de marchands orientaux). De plus, cette religion touche d’abord les pauvres et les esclaves. Or les conquêtes de l’Empire ont fait affluer sur les marchés des esclaves originaires d’Orient parlant grec. Aussi le problème des traductions ne se pose-t-il que tardivement.

On date généralement de la fin du IId siècle la traduction de l’Ecriture en latin. Au point de départ, évidemment la Septante et les textes qui constitueront plus tard le Nouveau Testament. Les textes précédant la Vulgate sont appelés Vetus latina ou Veteres, selon qu’on considère qu’il y a eu une ou plusieurs traductions. La traduction la plus ancienne fut sans doute faite en Afrique. Elle nous est connue par les citations de saint Cyprien, évêque de Carthage, au milieu du IIIème siècle, et par des bibles africaines présentant un texte proche de l’état primitif. Selon Jean Gribomont, ce texte serait passé en Occident au cours du IIIème siècle. Là, il se serait heurté à l’usage oral, ce qui aurait conduit à la rédaction de la Vetus latina « européenne », sans doute en Italie. Ce texte est l’aboutissement d’un remarquable travail de correction, tant sur le fond que sur la forme, effectué en Italie au cours du IVème siècle. Les traducteurs ont tenu compte de tout le travail d’édition de la Septante fait à Alexandrie et à Antioche, et latinisé la syntaxe.

Au delà de cette diversité, les différents textes de la Vetus latina présentent des caractéristiques communes. La principale est qu’ils ont presque toujours été traduits littéralement, contrairement à l’usage latin de l’interpretatio illustré par Cicéron (traduction d’après le sens, et non mot-à-mot). Comme la Septante, la Vetus latina comporte pour l’Ancien Testament nombre d’interpolations de passages à résonances chrétiennes. Enfin, la Vetus latina est écrite dans une langue spécifique, très différente du latin classique. Cela tient certes au littéralisme de la traduction, mais aussi au souci de rendre le texte compréhensible à tous. Les nombreux néologismes, hellénismes et hébraïsmes, témoignent moins de la maladresse des traducteurs que de leur désir de coller à la liturgie.

2) L’entreprise de saint Jérôme

Saint Jérôme arrive à Rome en 379. Il compte parmi les beaux esprits et les directeurs de conscience de la Ville. Sa maîtrise du grec le pousse à réviser la traduction latine des évangiles selon ses propres manuscrits grecs. Il diffuse cette oeuvre en se réclamant du patronage du pape Damase, sans que nous sachions si ce dernier eut réellement l’initiative du travail. Dans la même ligne, il fait en 384 une révision rapide du psautier, révision qu’on identifie traditionnellement avec le psautier romain.

Tombé en disgrâce à Rome, il s’établit en Orient, où il fonde un monastère à Bethléem en 389. Là, il reprend ses travaux de traduction. Il réalise une deuxième révision du texte du psautier, le psautier gallican, d’après l’édition qu’Origène donne de la Septante dans les Hexaples. Une troisième fois il met le psautier sur le métier et réalise le psautier « juxta Hebraeos », corrigé d’après le texte de l’Ancien Testament hébreu et des traductions d’Aquila et de Symmaque, qui figurent dans les Hexaples. Saint Jérôme justifie l’utilisation du texte hébreu, de préférence au texte reçu de l’Eglise qu’est la Septante par le souci de permettre aux chrétiens de lutter à armes égales avec les juifs qui dénigrent tous les mots. Comme pour le psautier gallican, il ne s’agit donc pas d’une traduction à usage liturgique, mais plutôt apologétique. La traduction du psautier juxta Hebraeos est pour saint Jérôme le prélude de la révision d’après l’hébreu de la traduction de tout l’Ancien Testament, qu’il commence en 392.

Saint Jérôme ne cherche pas à faire une oeuvre entièrement originale. Il manifeste le plus grand respect pour la Vetus latina, mais sa grande culture classique le conduit à une pensée originale sur la Bible latine. Comme saint Augustin et d’autres Pères, saint Jérôme justifie la pauvreté du latin biblique par la nécessité que le peuple le comprenne. Son vocabulaire est néanmoins plus riche que celui de la Vetus latina. Comme traducteur, il reconnaît également la difficulté de faire une bonne traduction. Aussi admet-il, quand il est justifié, l’emploi de néologismes ou de mots hébreux non traduits. Mais loin de s’en tenir à ces réflexions légèrement condescendantes, il affirme l’existence d’une langue biblique, différente du latin classique, ayant le droit de s’écarter des canons de cette dernière. Il rend ainsi compte de l’écart entre ce latin biblique et le latin vulgaire.

Ainsi se justifie le principe qu’il énonce dans l’avantpropos de sa révision des Evangiles : il ne se permet que les corrections nécessaires pour obtenir une version correcte, et laisse le reste du texte intact par respect de la tradition. Il se contente donc d’expliciter quelques termes hébreux non traduits dans la précédente version et de corriger les fautes des traducteurs latins et celles des traducteurs de la Septante.

La vraie innovation de saint Jérôme est le recours au texte hébreu de préférence à la Septante [2]. Plusieurs de ses contemporains critiquèrent ce choix. Saint Augustin, notamment, avança l’idée que l’autorité de la Septante pour les chrétiens était supérieure à celle du texte hébreu des juifs. En cela il rejoint d’ailleurs les réflexions contemporaines sur l’histoire parallèle de la Septante et du texte massorétique [3].

Ces critiques expliquent les problèmes que pose la Bible de saint Jérôme, en dépit de sa grande diffusion au Moyen Age, comme nous le verrons, qui explique le nom qui lui fut donné de « Vulgate », c’est-à-dire texte commun.

Certaines de ses corrections les plus audacieuses furent écartées au profit des leçons de la Vetus latina. Dans le même temps, d’autres textes vinrent compléter les traductions hiéronymiennes. La révision des traductions du Nouveau Testament, les évangiles exceptés, semble être le fait d’un disciple de saint Jérôme. Les traductions des deutéro-canoniques sans modèle hébreu (Sagesse, Ecclésiastique, Baruch, Macchabées) étaient reprises directement de la Vetus latina.

Ces remarques ne doivent pas faire perdre de vue que le canon de l’Ecriture n’était pas encore fixé. Aussi la liste des textes présentés variait-elle d’un manuscrit à l’autre.

Ainsi, les livres des Macchabées III et IV, qu’on considère aujourd’hui comme apocryphes, figuraient-ils dans de nombreux manuscrits, alors que le livre de Baruch était moins souvent retenu. Si l’on pense qu’une bible comprenait le plus souvent plusieurs exemplaires, c’est-à-dire plusieurs tomes, qui ont aisément pu se séparer en circulant, on comprend que ces fluctuations aient produit des bibles hétérogènes, mêlant des textes de saint Jérôme et des textes de la Vetus latina dans un ordre incertain. C’est au Moyen Âge que reviendra la tâche d’uniformisation.

3) La Vulgate au Moyen Âge

Dans les siècles qui suivent, la Vulgate se diffuse à côté de la Vetus latina. Des bibles dépareillées circulent. Les copistes, confrontés à des modèles divergents mais qui se complètent l’un l’autre, produisent des textes hétéroclites. De plus, la qualité des copies faiblit en raison de la dégradation des études et du fossé qui se creuse entre langue parlée et langue écrite.

La réaction est provoquée, non par la diversité des versions, mais par les erreurs qui se multiplient dans le texte sacré. Dans l’Admonitio generalis (789), Charlemagne prescrit de « corriger avec soin les livres catholiques » et de les copier avec la plus grande attention possible. Il relaie ainsi les efforts de lettrés comme Maurdramne, abbé de Corbie de 772 à 781, qui réalisa une première édition soigneusement corrigée de la Bible.

Le travail fut repris avec plus d’ampleur par deux lettrés, Théodulphe et Alcuin. Le premier, évêque d’Orléans, réalisa un important travail d’érudit en collationnant de nombreux manuscrits, dont certains excellents. Mais le travail d’Alcuin, quoique inférieur, eut plus de succès. Celui-ci était en effet abbé de Saint-Martin de Tours, une des plus grandes abbayes de l’Empire. Le scriptorium de l’abbaye copia et diffusa largement des bibles d’une très grande qualité formelle. Mais les deux éditeurs se rejoignent par le choix déterminant qu’ils font de la Vulgate, qui dès lors s’impose dans tout l’Occident.

Les études manquent pour développer la suite de cette histoire entre le Xème et le XIIème siècle. La Bible d’Alcuin a manifestement servi de modèle, mais sans être copiée intégralement. Il est clair que les bibles de cette époque ne peuvent être considérées comme de simples versions dégradées des bibles carolingiennes. Un éclairage intéressant nous est cependant fourni par les cisterciens. Cet ordre très centralisé chercha à imposer dans son sein un texte uniforme de la Bible. Etienne Harding, un des premiers abbés de Cîteaux (1109-1133), en donna une édition qui s’est conservée. Il s’appuya sur plusieurs manuscrits latins et travailla avec des juifs. Il accorde même plus de crédit au texte hébreu, ce qui ne doit pas surprendre à une époque où l’hebraica veritas est très prisée. Au milieu du siècle, un autre cistercien, Nicolas de Manjacoria, s’attela à la même tâche, avec un sens critique plus affirmé. Il cherche à établir le texte de la Vulgate de saint Jérôme, et pour ce faire, il considère que le texte hébreu n’est un témoin utile qu’en cas de divergence des manuscrits latins. L’original de son oeuvre ne nous est hélas pas parvenu.

Le cas des bibles cisterciennes annonce l’évolution du XIIIème siècle. Dans le Nord de la France, les trois premières décennies sont marquées par un processus d’élaboration d’une nouvelle Bible. La taille diminue, l’écriture se resserre. D’une bible à l’autre l’ordre des livres et les prologues mis en tête de chaque livre sont sensiblement les mêmes. Le système de chapitre que nous utilisons encore, créé au début du siècle par Etienne Langton, se développe. Après 1230, ces éléments se sont généralisés dans cette région. De plus, la majorité des bibles présentent un texte à peu près uniforme. En dehors du Nord de la France, certains traits se diffusent très vite, comme le nouveau système de chapitre, d’autre mettent plus de temps à s’imposer.

Ce changement rejoint le récit de Roger Bacon : en 1226-1227 des libraires et théologiens à courte vue auraient décidé arbitrairement de faire d’un manuscrit de la Bible, le plus complet possible, le manuscrit de base pour copier la Bible. Ainsi se serait enfin répandue une bible uniforme, la « bible des libraires parisiens », mais défigurée par les erreurs du manuscrit de base et celles ajoutées par les copistes.

Roger Bacon écrit en 1270 et il n’a pas été témoin des événements. Aussi ne peut-on prendre ses propos pour argent comptant. Nous ne pouvons que constater certains faits. Au XIIIème siècle, la demande de bibles explose : bibles de poche à l’usage des dominicains, bibles pour les maîtres de l’Université de Paris et les étudiants, bibles de luxe. Le poids de l’Université de Paris dans l’adoption d’innovations commodes et d’une présentation uniforme est certain.

En revanche, on comprend mal comment le texte s’est figé. Il s’agit peut-être du texte qui servait de support à la glose ordinaire telle qu’elle s’est mise en place au XIIème siècle. Cette fixation est très importante : à partir du milieu du XIIIème siècle le travail de révision de la Vulgate, qui ne cesse pas, change de forme. Au lieu d’introduire leurs corrections dans le texte biblique même, les maîtres les rassemblent à part dans des correctoires qui ont une circulation autonome.

4) La Vulgate sixto-clémentine

Au XVIème siècle, le panorama change totalement. Tant la Réforme que l’humanisme mettent la Vulgate, sous la forme qu’elle a finalement atteint, en concurrence avec d’autres bibles latines ou en langue vernaculaire tandis que circulent aussi des éditions de Bibles grecques et hébraïques.

Le problème de l’Écriture Sainte est abordé au concile de Trente en 1546. Les Pères sont unanimes sur la nécessité d’un texte normatif, servant de référence dans les controverses. Mais ils sont divisés quant aux moyens. Les uns estiment qu’il faut réviser le texte de la Vulgate d’après des textes grecs et hébreux, édités avec tout le soin possible. D’autres préfèrent commander une bonne édition de la Vulgate. Dans les débats transparaît une réflexion profonde sur la Vulgate, distinguant sa valeur juridique et sa valeur critique : on s’accorde à trouver des erreurs ou inexactitudes dans la Vulgate, mais cela ne remet pas en cause son intégrité doctrinale et sa valeur traditionnelle. De plus, contrairement à ses rivales latines et surtout vernaculaires, elle est universelle. Il fut décidé de donner à la Vulgate valeur authentique [4], à charge pour le pape de veiller à ce qu’elle fasse l’objet d’une excellente édition. Il devait aussi ordonner l’édition des Bibles grecque et hébraïque, mais cette entreprise n’a pas été achevée.

L’édition critique de la Vulgate tarda elle aussi. Ce n’est qu’en 1586 que Sixte V, érudit lui-même, lança le chantier. Entre 1586 et 1588 une commission dirigée par le cardinal Carafa réalisa une très bonne édition appuyée sur un petit nombre de bons manuscrits, avec parfois un recours aux textes grec et hébreu. Mais Sixte V fut peu satisfait du résultat : en effet, les érudits n’apportaient que des modifications de détail au texte courant, ce qui mettait en cause la pertinence de l’opération. Aussi décida-t-il de faire lui-même la correction. Il travailla rapidement, procédant par simples conjectures, sans s’appuyer sur des manuscrits et en ne tenant guère compte de l’édition de la commission. La Vulgate sixtine parut en 1590, précédée de la bulle Æternus ille lui conférant l’authenticité.

Cette bulle présente des principes d’édition très intéressants, que malheureusement Sixte V n’a pas suivis : il faut se référer aux manuscrits anciens ; en cas de divergence, adopter la leçon la plus proche de l’hébreu ; mais ne pas corriger directement la Vulgate selon l’hébreu ou selon le goût de l’éditeur. Elle signale aussi l’intérêt des citations de la Vulgate par les Pères de l’Église pour établir le texte.

Les erreurs et les imperfections de la Sixtine firent scandale. Son successeur Grégoire XIV s’empressa donc de remettre l’ouvrage sur le métier. Une nouvelle commission, s’appuyant sur les travaux de l’ancienne, proposa un texte qui fut approuvé par Clément VIII et publié sous l’appellation de Bible sixto-clémentine. Dans le même temps, le pape s’employait à rassembler et détruire les exemplaires de la Sixtine.

5) Le XXème siècle : du psautier de Pie XII à la Néo-Vulgate.

Le XXème siècle est particulièrement marqué par l’attention nouvelle portée par l’Eglise à la place de l’Ecriture dans la liturgie. Cette attention eut pour conséquence la publication en 1945, à l’initiative de Pie XII, d’une nouvelle traduction, en latin classicisant, des psaumes sur le texte hébreu. Cette innovation suscita de nombreuses critiques. On reconnut alors le latin de la Vulgate comme une langue à part entière et non plus comme une version dégradée du latin classique. En 1964, le concile Vatican II constitua une commission chargée de revenir sur la réforme du bréviaire. Mais dès 1965, une autre commission chargée de la traduction de l’ensemble de la Bible fut constituée, dans laquelle se fondit bientôt la première commission. L’objectif était de donner à l’Eglise un nouveau texte normatif, la Néo-Vulgate, conciliant les exigences de la liturgie, de la Tradition et de l’herméneutique chrétienne, bases de la Vulgate sixto-clémentine, et celles de la critique scientifique.

Les promoteurs de cette nouvelle édition abandonnèrent donc le souci de classicisme qui s’était manifesté dans la révision du psautier. Des spécialistes de la langue de saint Jérôme furent associés au travail de révision de la Vulgate. La commission pouvait s’appuyer sur des éditions critiques reconnues des textes grec, hébreu et de la Vulgate.

Par ailleurs, pour l’Ancien Testament, la commission ne retenait pas seulement le texte hébreu massorétique, mais le confrontait aux différentes traductions grecques, syriaques et araméennes (targum). La technique adoptée consistait donc à conserver le texte de la Vulgate, soumis à un soigneux travail d’édition scientifique, quand il concordait avec les textes grec et hébreu, ou proposait une variante admissible auxdits textes. Les traductions ainsi réalisées des différents livres étaient soumises à un collège de savants reconnus, parmi lesquels des non-catholiques. Le psautier parut en 1969, le Nouveau Testament en 1970-1971, et l’Ancien Testament en 1976-1977. En 1979 parut l’édition typique de la Néo-Vulgate entière, précédée de la Constitution apostolique Scripturarum Thesaurus.

Reste à définir le rôle exact cette nouvelle édition. Elle doit clairement être utilisée dans les textes officiels en latin de l’Eglise et dans la liturgie latine issue de Vatican II ; mais le développement d’une liturgie en langue vernaculaire a privé la Néo-Vulgate du rôle fondamental qu’elle aurait dû avoir. Doit-elle servir de référence pour les traductions en langue vernaculaire de la Bible ? C’est ce qu’affirme l’instruction Liturgiam authenticam de 2001, développant l’article 36 de la Constitution dogmatique Sacrosanctum Concilium qui précise les modalités de l’usage des langues vernaculaires en liturgie. Ce point a été contesté par des théologiens [5], mais ce texte demeure le document le plus récent en vigueur sur le sujet dans l’Eglise catholique [6].

L’histoire de la Bible latine compte donc plusieurs étapes. Sur la base de la Vetus latina, traduite avec un respect scrupuleux de la Bible grecque dans une langue compréhensible de tous, saint Jérôme écrit la Vulgate. Elle s’impose à l’époque carolingienne, marquée par le souci d’un texte correct. Le Moyen-Age classique procède à une uniformisation progressive sur cette base ; ce phénomène aboutit à la déclaration, à l’issue du concile de Trente, du caractère normatif de la Vulgate. La Néo-Vulgate, réalisée au XXème siècle, accomplit ce qui se trouvait en germe dans la Vulgate sixto-clémentine, en améliorant le texte. Mais dans toutes ces évolutions demeure en leitmotiv le respect de la Tradition, et la commission travaillant à la Néo-Vulgate fit preuve de la même prudence pour revenir sur le texte reçu que saint Jérôme 1600 ans plus tôt.

Pierre Gandil, archiviste paléographe, suit la formation de l’ENSSIB pour devenir conservateur de bibliothèque.

[1] Cf. Gribomont (Jean), « Les plus anciennes traductions latines », dans Le monde latin antique et la Bible, Jacques Fontaine et Charles Pietri dir., Paris, Beauchesne, 1985 (Bible de tous les temps, 2), p. 43-66 ; Estin (Colette), « Les traductions du Psautier », ibid., p. 67-88.

[2] Remarquons que l’Eglise d’Orient n’a jamais essayé de corriger la Septante en la comparant avec le texte hébreu ou les traductions grecques hexaplaires.

[3] Voir dans ce numéro l’article de G. Bady.

[4] Cf. Denzinger 1506 : « Sacrosancta synodus... statuit et declarat, ut haec ipsa vetus et vulgata editio, ..., in publicis lectionibus, disputationibus, praedicationibus et expositionibus pro authentica habeatur... » : « Le sacro-saint synode...dispose et déclare que cette édition ancienne de la Vulgate... doit être tenue pour authentique dans les lectures, disputes, prédications et exposés publics ».

[5] Cf. Clifford (Richard J., sj), « The Authority of the Nova Vulgata : A Note on a Recent Roman Document », dans The Catholic Biblical Quarterly, t. 63 (2001), p. 197-202.

[6] Voir l’article de J.-H. Sautel dans ce numéro. Néo-Vulgate fit preuve de la même prudence pour revenir sur le texte reçu que saint Jérôme 1600 ans plus tôt.

Réalisation : spyrit.net