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La papauté dans le sillage de Vatican II : notes de lecture critique

J.G. Boeglin, Pierre dans la communion des Églises
Jacques-Hubert Sautel

Le P. Boeglin, curé d’une paroisse du centre-ville de Strasbourg, propose, dans la grande collection Cogitatio Fidei des éditions du Cerf, un ouvrage savant et imposant, que Mgr Doré, archevêque de Strasbourg et membre de la Commission théologique internationale de l’Église catholique, a préfacé. La double formation canonique et théologique de l’auteur lui permet de traiter une question délicate, qui se situe au croisement de la démarche œcuménique et de la recherche théologique, sur le ministère pontifical dans l’Église catholique. L’unité de cette démarche et de cette recherche se trouve dans un concept hérité du Concile de Vatican I, celui d’une « ecclésiologie de communion » [1]. La question principale que pose l’auteur, et qui se reflète dans le sous-titre du livre, « Le ministère pétrinien dans la perspective de l’Église-Communion et de la communion des Églises », est celle du rapport entre la structure hiérarchique de l’Église catholique (le rôle du Pape et des évêques) d’une part, et les relations entre l’Église catholique et les autres communautés chrétiennes d’autre part. En un mot, les avancées théologiques du Concile de Vatican II en matière de réflexion sur l’Église peuvent-elles aider à la dynamique de l’engagement œcuménique instaurée par le même concile ?

De la formulation même de la question découle assez logiquement le plan de l’ouvrage : une lecture commentée du début du chapitre III de la Constitution Lumen Gentium [2] en première partie (p. 29-93) ; une réflexion historique et contemporaine sur l’ecclésiologie de communion, puis sur le ministère pontifical en seconde (p. 97-225), puis en troisième partie (p. 229-428) ; une démarche prospective sur la place de la papauté dans une « future Église unie et œcuménique » en quatrième partie (p. 430-606). Nous présenterons d’abord le contenu de ces différentes parties, avant de tenter de formuler quelques éléments d’appréciation de l’ouvrage par rapport à l’enseignement du magistère de l’Église catholique et la continuité de sa tradition vivante.

L’enseignement de Lumen Gentium  : un tournant en ecclésiologie

Le commentaire détaillé que fait le P. Boeglin des § 19 à 25 de la constitution conciliaire, tout en recourant aux documents préparatoires qui témoignent des différents stades de l’élaboration du texte, met en évidence la manière dont l’enseignement du Concile de Vatican II complète celui de Vatican I, en ajoutant à une mise au point vigoureuse sur le rôle du Pape, une réflexion sur les évêques agissant en communion avec lui. On retiendra l’insistance mise sur la nature collégiale du ministère épiscopal : le collège des évêques est perçu comme succédant au collège apostolique institué par le Christ lui-même (LG 19-20). D’autre part, les évêques reçoivent leur charge de pasteurs par une consécration, qui constitue la plénitude du sacrement de l’ordre (LG 21). La conjonction de ce principe et du précédent explique pourquoi un évêque n’est ordonné, sauf en cas de nécessité absolue, que par l’imposition des mains effectuée et les paroles prononcées par plusieurs évêques (trois précisément) : c’est le collège épiscopal tout entier qui s’agrège un nouveau membre [3]. Enfin, le fonctionnement du collège épiscopal, comme l’exercice de sa charge de pasteur par chaque évêque, se fait dans la communion hiérarchique avec le successeur de Pierre (LG 21-22).

L’auteur analyse ces textes en parlant d’avancées théologiques : la notion de collège épiscopal est précisée par la Nota praevia [4] : il ne s’agit pas « d’un groupe d’égaux qui délégueraient leur pouvoir à un président, mais d’un groupe stable, dont la structure et l’autorité doivent être déduites de la Révélation », et le collège « s’entend nécessairement et toujours avec son chef ». Une telle notion repose sur une base juridique (la notion courante de collège, en matière électorale par exemple), informée par la théologie. Elle permet de fonder le ministère épiscopal sur les origines de l’Église (collège apostolique) — ce qui est un point de rapprochement avec la perspective protestante et orthodoxe —, sans pour autant porter ombrage à la doctrine traditionnelle de la primauté de l’évêque de Rome. D’autre part la manière dont celui-ci exerce son pouvoir plénier sur l’Église n’est pas détaillée en termes juridiques, mais résumée dans la formule précitée de « communion hiérarchique » ; une telle formule permet une souplesse d’interprétation et de fonctionnement utile ; surtout, elle fonde la relation entre Pape et évêques sur une donnée mystique ou théologique, qui est celle de l’unité dans la charité et le respect de la charge du successeur de Pierre : « épiscopat et primauté du pape sont les deux faces d’une même réalité » (Boeglin, p. 73). C’est cette donnée qui assure le double pouvoir suprême et plénier dans l’Église universelle, à la fois pouvoir du successeur de Pierre (seul) et pouvoir du collège épiscopal, comprenant en son sein et à sa tête ledit successeur.

Une telle complexité de l’équilibre attesté par les textes conduit l’auteur à débusquer ce qui constitue, selon lui et les auteurs qu’il cite, une ambiguïté dans la conception de l’Église à l’œuvre dans ce chapitre III de Lumen Gentium. D’un côté l’Évêque de Rome reçoit la charge de Pierre et donc de l’Église universelle, et chaque évêque ne succède pas directement à un évêque particulier, d’une Église locale, mais est intégré à l’ensemble du collège et participe du souci de toute l’Église pour ce qui est de son Église locale : « nous sommes encore en pleine ecclésiologie universaliste » (ibid., p. 60). D’un autre côté, on part de la réalité des Églises locales. « Chacune de ces Églises représente réellement le tout au lieu d’être une partie (…) Dans ce cas, le pape est d’abord l’évêque d’une Église locale. C’est justement en fonction de sa qualité de chef d’Église locale que toutes les autres Églises sont tenues de s’accorder avec la sienne » : perspective d’ecclésiologie de communion (ibid., p. 61). Le texte conciliaire est ambigu, car tout en faisant droit à la structure collégiale de l’épiscopat, il l’envisage sous l’angle de l’Église universelle plus que sous l’angle de la communion des Églises.

L’ecclésiologie de communion

La seconde partie de l’ouvrage présente, comme cela a été dit, une réflexion sur la notion centrale d’ecclésiologie de communion : à la vérité, mis à part quelques développements historiques assez brefs (p. 119-141), il s’agit pour l’auteur de reprendre les thèmes dégagés dans la première partie, en s’affranchissant de la lettre du texte conciliaire, donc de manière moins « exégétique » et plus théorique. Les affirmations précédentes se trouvent reprises, mais durcies et organisées en système. Ainsi : « On a pu dire de Vatican II que c’est un concile fait par des évêques pour des évêques  » (p. 98), « Notre analyse de Lumen Gentium 22 a montré que le concept de collège est pris au sens juridique » (p. 101) [5], « les Églises locales sont complètement éclipsées dans cette perspective des rapports évêques-pape » (p. 103), et enfin : « L’ecclésiologie de Vatican II oscille donc entre une tendance juridique qui est universaliste et qui s’exprime en catégories de pouvoir, et une tendance communionnelle qui n’a pas encore trouvé son expression institutionnelle » (ibid.).

On retiendra comme éléments nouveaux le développement sur les Églises locales — avec la reconnaissance du fait que le décret conciliaire Christus Dominus, sur la charge des évêques (à la différence de LG, visé par la remarque de la p. 103) fait une place importante à ces Églises —, et aussi l’allusion à la place de l’Eucharistie dans la théologie de l’Église. On sait l’importance que revêtent ces notions pour nos frères orthodoxes : « Avec la théologie orthodoxe, les divers courants de la pensée catholique ont en commun de reconnaître l’Eucharistie comme révélation de l’Église dans l’unité, tant idéale qu’historique » (p. 157, n.1).

Un autre développement important concerne le « regroupement d’Églises au niveau intermédiaire » (p. 158-181) : sont ici examinés successivement les conférences épiscopales et les synodes diocésains. Pour les premières, l’auteur reconnaît qu’on ne peut parler de collégialité au sens de LG III, en toute rigueur de termes, parce que la collégialité s’entend des rapports entre les membres du collège tout entier — condition qui n’est pas ici réalisée—, mais estime que ces conférences « renouvellent l’antique vie synodale de l’Église » (p. 163). Il rapporte notamment en termes favorables la position nuancée de pères conciliaires comme le Cardinal Alfrink et Mgr Ancel, pour qui les conférences sont une expression non spécifique de la collégialité, laquelle se vit en toute plénitude dans le concile œcuménique, mais une expression concrète, proche des besoins pastoraux (p. 166).

A la fin de cette partie, une réflexion sur la dimension territoriale du diocèse, comme élément ecclésiologique, permet de souligner des réalités de bon sens, comme celle de la nature fondamentalement géographique de l’Église particulière, puis de développer des considérations plus audacieuses, à partir du principe de l’unité de l’Église locale : un seul évêque sur un seul diocèse, administrant une pluralité de rites. On saisit tout de suite l’intérêt de la chose quand l’auteur parle du Proche-Orient et des multiples juridictions qui s’enchevêtrent sur un seul territoire, même pour des fidèles qui sont tous catholiques. D’autres aspects encore seraient à présenter de l’analyse de cette seconde partie : les Églises sœurs, l’articulation du pouvoir clercs-laïcs.

Le ministère du pape

Dans une troisième partie, l’auteur présente une réflexion, d’abord théologique, puis historique sur le ministère du successeur de Pierre. La réflexion théologique se déploie à partir de l’expérience du dialogue œcuménique et elle fournit un chapitre (ch. IX) particulièrement riche d’enseignements. Le point de départ est constitué par ce qu’on a appelé le « dialogue de la charité » : l’expression a caractérisé historiquement une série de contacts fructueux entre Église catholique et Église orthodoxe de Constantinople qui ont précédé le Concile [6], et depuis, elle désigne toutes les relations d’échanges entre chrétiens de communautés différentes. Ce dialogue, fait d’amitié et de compréhension mutuelles, de prière commune et de purification de la mémoire, précède et accompagne le dialogue théologique, au sens technique du terme. Une très belle expression du pape Jean-Paul II est citée : « refaire le contexte avant d’essayer de refaire ensemble les textes » (p. 234, voir n.4).

Ensuite, la réflexion s’engage sur la question de l’unité de l’Église et des ministères, à partir des dialogues inter-protestants et protestants/catholiques. Chaque Église est la traduction concrète de l’unique Corps du Christ, que la célébration de l’Eucharistie met le mieux en valeur. Cependant, comme la question du ministre de l’Eucharistie pose problème, on s’attachera d’abord au baptême, en disant que « nous appartenons tous à la même Église du Christ, quelle que soit notre confession » (p. 239). C’est la profession de foi et le baptême qui constituent donc « le substrat le plus traditionnel de l’unité du Corps du Christ » (p. 240). Il en résulte ceci : « Il existe une seule communauté parce que les baptisés sont tous reliés au même Seigneur, et avec le baptême, leur est ‘infusée’ la conscience de leur égalité dans le Christ par l’Esprit, c’est-à-dire ‘leur-faire-Église-ensemble’ » (p. 243). Un pas de plus est franchi avec l’admission comme principe axiomatique (c’est-à-dire non démontré) que le ministère dans l’Église est fondamentalement un [7] et connaît seulement une pluralité d’expressions selon les cultures (p. 247). Ce ministère fondamentalement un est le service épiscopal, qui est toujours en faveur de l’Église universelle. Une primauté universelle est concevable comme un service d’aide aux Églises locales, en les poussant à développer leurs propres virtualités, pour en arriver à une pensée commune sur les grandes questions [8] (p. 252).

Mais par ailleurs, si le baptême est le soubassement le plus profond de l’Église, « il en résulte une vision dynamique de la communion des croyants : (…) il paraît naturel d’admettre qu’il n’existe qu’une seule Église du Christ. L’unique Église du Christ, malgré la diversité de ses concrétisations historiques, a une visibilité unique, qui est l’accueil de l’Évangile par la foi et le baptême. La communion ecclésiale réelle instaurée par la foi du baptême, qualifiée d’incorporation au Christ, n ’implique-t-elle pas la communion eucharistique de tous les ‘incorporés’, sinon en quoi consisterait la réalité de la communion ecclésiale ? » (p. 254-255). Comme il est difficile de répondre par la négative à une question si bien posée, il en résulte comme « conséquence théologique naturelle d’un discours sur la communion ecclésiale enracinée dans la théologie baptismale » qu’on doit admettre que tout baptisé a le droit et le devoir de communier intégralement à la plénitude de vie de n’importe quelle communauté ecclésiale, partout dans le monde (p. 255). A cette magnifique reconstruction de l’unité concrète des Églises, l’énoncé de « dix thèses ecclésiologiques en vue d’une papauté œcuménique » vient apporter une digne conclusion (p. 256-259). De cet énoncé, qui reprend les conclusions d’un ouvrage collectif paru en 1979, on retiendra quelques propositions sympathiques à un regard catholique : « La papauté n’est pas à l’heure actuelle un grand obstacle à la réalisation de la communion plénière des Églises », et d’autres, qu’il faudra décrypter, car elles semblent plus lourdes de conséquences, comme celle-ci : « Un service pétrinien œcuménique ne peut se fonder théologiquement que si le discours ecclésiologique n’est pas exclusivement christologique ou unilatéralement pneumatologique » (p. 258).

Après ces envolées qui semblent bien théoriques, l’évocation des objections orthodoxes au « primat de juridiction de l’évêque de Rome » nous fait retomber sainement dans la réalité d’un dialogue théologique qui porte sur ce qui, en fin de compte, différencie le pape des autres évêques. Pour nos frères orthodoxes en effet, tous les évêques ont part à la succession apostolique et la plénitude de l’Église est présente dans l’Église locale, autour de l’évêque célébrant l’eucharistie. Il n’y a donc pas besoin d’une primauté de juridiction de l’un d’eux : « Au milieu des Douze, saint Pierre est le Prôtos (le premier). Sa primauté, visiblement, n’est pas celle du pouvoir, mais de l’autorité. (…) Tous ceux qui imitent Pierre et sa profession héritent de la même promesse. Tout particulièrement, les évêques sont investis du charisme spécial de la proclamation de la vraie foi, c’est pourquoi ils sont ex officio représentants du ministère de Pierre. (…) Il n’y a point de super-évêque, episcopus episcoporum. » [9]

Le P. Boeglin examine les réponses présentées par différents théologiens catholiques à cette objection. On retiendra notamment celle du Cardinal Ratzinger, qui explique la juridiction comme la conséquence ou le développement de la réalité sacramentelle. La communion au Corps du Christ est une, dans le monde entier, car le Seigneur est un. Dès lors, l’unité de chaque Église locale dépend du fait qu’elle doit rester dans l’unité de l’Église universelle. De même, l’évêque a pour mission de servir cette réalité d’unité ; le pape est le point de référence obligatoire de l’unité de la foi et de la communion. « L’intérêt de la réflexion de [J.] Ratzinger est de montrer en même temps la nécessité de l’appartenance de chaque évêque au collège épiscopal et la finalité du ministère pétrinien (…) : le service de l’unité de la foi et de la communion » ( p. 265). D’autres apports de théologiens sont cités, qui montrent que « le ministère du pape n’est pas une intervention surajoutée ou encore un pouvoir en concurrence avec les évêques, mais comme une présence du dedans, qui aide chaque évêque à être ce qu’il doit être » (p. 269).

Le reste de la troisième partie et la quatrième traitent des formes qu’a prises historiquement le ministère pontifical et de celle qu’il pourrait être appelé à prendre pour jouer pleinement son rôle de serviteur de l’unité.

Situation de l’ouvrage dans le contexte actuel des relations entre les Églises

L’ouvrage du P. Boeglin met l’accent sur un problème fondamental de la théologie contemporaine, qui mérite assurément d’être discuté. Avant d’en venir là, nous ferons cependant une remarque préliminaire. Un tel ouvrage se situe bien dans la perspective de l’invitation lancée par le pape Jean-Paul II, à propos du ministère d’unité de l’Évêque de Rome : « Je prie l’Esprit Saint de nous donner sa lumière et d’éclairer tous les pasteurs et théologiens de nos Églises, afin que nous puissions chercher, évidemment ensemble, les formes dans lesquelles ce ministère pourra réaliser un service d’amour reconnu par les uns et par les autres » [10]. Mais le successeur de Jean-Paul II, Benoît XVI, a précisé récemment, lors des Journées mondiales de la Jeunesse de Cologne :

On dit qu’à présent, après l’éclaircissement relatif à la doctrine de la justification, l’élaboration des questions ecclésiologiques et des questions relatives au ministère serait l’obstacle principal restant à surmonter. En définitive, cela est vrai, mais je dois dire également que je n’aime pas cette terminologie, ni d’un certain point de vue cette délimitation du problème, puisqu’il semble que nous devrions ensemble débattre des institutions, plutôt que de la Parole de Dieu (…) La question véritable est celle de la présence de la Parole dans le monde. [11]

De la confrontation de ces deux textes, séparés par huit années, on peut tirer deux indications, nous semble-t-il. D’une part, il faut garder présent à l’esprit qu’un tel travail de recherche théologique, certes utile, ne doit pas prétendre absorber toutes les forces de la réflexion sur la foi chrétienne : sans être marginal, il ne peut remplacer le labeur d’approfondissement et de diffusion de l’Évangile. D’autre part le théologien appartenant à l’Église catholique qui entreprend cette réflexion sur les ministères ne doit pas s’affranchir de l’amour filial et du respect qui lie tout chrétien à Jésus-Christ, du fait de son baptême, et tout catholique à l’Église catholique, dans la tradition qui l’a constituée, de ses origines à nos jours. C’est en ayant présent à l’esprit ces deux orientations de travail que nous allons tenter d’apprécier l’importance du livre recensé.

Les qualités de l’ouvrage : présentation, information, finesse de l’analyse

Il convient d’abord de reconnaître les éminentes qualités de l’ouvrage. Sur ce sujet difficile, il présente une analyse accessible aux non-spécialistes, rédigée en un style clair, avec emploi de l’italique pour souligner des phrases particulièrement significatives, qui résument la position de l’auteur et que le lecteur pourra aisément mémoriser. On lit ainsi : « On ne peut être en communion avec le pape seul car être relié à lui signifie nécessairement être catholique ; cela implique l’union avec tous les évêques  » (p. 51, à propos de LG 21). Ou bien encore : « C’est de ce fondement patristique que peut jaillir une ecclésiologie de communion  » (p. 61). La première partie présente un commentaire du texte conciliaire qui suit les paragraphes, et pour cela, elle reproduit au début de chaque chapitre le texte commenté, selon une bonne méthode d’exposition (1 : Commentaire de LG 19-20 ; 2 : LG 21, etc). Les citations abondantes données en notes sont accompagnées des références précises et complètes des ouvrages, selon de bons principes scientifiques.

A ces qualités de présentation indéniables, l’ouvrage ajoute une information et une réflexion théologique riches : les positions des observateurs protestants et orthodoxes du concile de Vatican II sont abondamment citées, à côté des commentaires catholiques. Les références à la tradition chrétienne en général, ou catholique en particulier, ne sont pas absentes : Léon XIII (n. 1, p. 30), Grégoire de Nazianze et Jean Chrysostome (n. 1 à 3, p. 31), l’Ambrosiaster, contemporain de Jérôme (n. 4, ibid.), etc.

Pour l’enrichissement de notre foi, on appréciera surtout dans la première partie l’analyse fine et équilibrée du texte de Lumen Gentium, à la fois situé dans la continuité de Pastor aeternus de Vatican I, et apportant en même temps des lumières nouvelles sur le ministère du successeur de Pierre, dans sa relation avec celui des successeurs des Apôtres. Ces éléments nouvellement mis en valeur semblent bien être : un recentrage sur la théologie (ne pas laisser le droit empiéter sur l’appréhension de chaque ministère, ni bloquer toute évolution des relations entre pape et évêques), une référence plus marquée aux origines de l’Église, l’affirmation d’une complémentarité profonde entre les ministères épiscopaux et pontifical, au service de l’Évangile de Jésus-Christ.

Dans la seconde partie, on appréciera notamment l’analyse du pouvoir des conférences épiscopales. La réflexion théologique est ici appuyée sur une vision réaliste des choses, plus que sur des considérations théoriques et « idéologiques » ; elle est mesurée et semble respectueuse des évolutions comme des textes. De même l’analyse de la notion d’Églises sœurs (p. 203-219), expression employée pour la première fois par le patriarche Athénagoras en 1962, puis reprise par Paul VI, à propos de l’Église catholique et des Églises orthodoxes, est solidement étayée sur la patristique et l’exégèse du décret Unitatis redintegratio. C’est une contribution qui nous semble intéressante à la réflexion et à la pratique œcuménique, envers nos frères orthodoxes précisément.

De même, la troisième partie commence par un bel hymne au dialogue de la charité, qui consonne avec tout le début de l’encyclique Ut unum sint, dans lequel le pape Jean-Paul II appelait, à la suite du Concile, « à abattre les murs de division et de défiance (…), avoir un regard clair et apaisé dans la vérité » (§ 2). On appréciera aussi la discussion loyale des objections orthodoxes, et la présentation des réponses catholiques, pour essayer de dissiper les malentendus liés à la perception de la mission du pape par nos frères orthodoxes, sans exclure les progrès que nous avons à faire pour affiner, en lien avec le Saint Père, la définition de cette mission.

C’est là un effort considérable à faire actuellement, comme cela a été souligné dans la présente revue :

Mais il nous restera à leur montrer avec toute notre foi la beauté du ministère pétrinien, tel que l’a compris la tradition catholique (…). Le principe de l’autorité d’un seul (le primat), tel que nous l’avons reçu, est grâce de paternité, possibilité d’un authentique vis-à-vis, où nos libertés, loin d’êtres soumises à une soumission passive, sont convoquées pour une réponse en vérité (…). Et si la fonction du Pape était justement d’aider l’Église (à commencer par ses pairs, les évêques, chargés comme lui de la paternité) à assumer cette richesse que nous a laissée le Christ : possibilité pour des communautés grandes et petites d’être contestées, comme de l’extérieur, par une voix, à la fois familière et imprévue, miséricordieuse et exigeante, qui les remet dans la vérité de l’Évangile ?  [12]

Imprécisions et limites de l’analyse de Lumen Gentium

A côté de ces qualités éminentes, le lecteur regrettera un nombre de défauts important. Ainsi l’ouvrage, notamment dans la première partie, comporte des imprécisions terminologiques : l’expression « sacrement de l’épiscopat » est employée à plusieurs reprises. « Le pouvoir pastoral, dans l’Église se transmet par le sacrement de l’épiscopat » (p. 44). Or l’expression ne se trouve pas dans les textes conciliaires, qui parlent de « consécration épiscopale » et de « sacrement de l’ordre » (LG 21). Cette imprécision terminologique est grave, car elle peut sous-tendre l’idée d’un huitième sacrement : le prêtre ordonné à l’épiscopat recevrait un sacrement distinct de celui qu’il a déjà reçu en recevant le sacerdoce ministériel ! Cette idée n’est évidemment pas développée par l’auteur, mais elle contribue à accentuer la figure de l’évêque à côté du prêtre et donc à réduire la spécificité du souverain pontife, évêque parmi les évêques .

Le lecteur non-spécialiste remarque aussi, avec une certaine surprise, qu’en contraste avec la présentation claire et progressive dont nous avons fait l’éloge, un certain nombre d’affirmations se trouvent formulées, sans aucune explication ni démonstration préalable. D’abord on est un peu étonné qu’au chapitre V, intitulé « la Nota Praevia Explicativa  », le commentaire ne soit pas précédé du texte conciliaire, comme il l’était dans les précédents chapitres : cela est d’autant plus étonnant que l’historique qui débute le chapitre explique combien le texte a été source de controverses. Ensuite, le lecteur s’aperçoit assez vite que le ressort du dynamisme du texte, son fil conducteur en un mot, se trouve dans les notes de bas de page, qui à côté des références bibliographiques, explicitent bien souvent des intuitions profondes de l’auteur.

On lit ainsi, à la fin de la note 2 de la page 78 : « Le décret sur l’œcuménisme dit expressément que les divers rites liturgiques, les disciplines et les théologies diverses ne sont pas un obstacle pour l’unité, mais plutôt un enrichissement pour l’Église entière. L’Église catholique au concile accepte d’ouvrir ses portes à une multiplicité d’Églises particulières en communion les unes avec les autres par le biais, entre autres, de la collégialité et de la primauté ». Si la première de ces deux phrases peut constituer un reflet du décret Unitatis redintegratio du Concile de Vatican II (21 nov. 1964), lequel reconnaît dans son chapitre III la richesse des traditions des Églises d’Orient d’une part, et d’autre part des Églises et communautés ecclésiales d’Occident (selon le vocabulaire du texte), on chercherait en vain dans ce décret une affirmation aussi générale que celle énoncée par la seconde phrase : le terme de collégialité est complètement absent de ce texte conciliaire, et si le terme de collège y apparaît deux reprises [13], c’est pour définir la structure de l’Église catholique, dans un contexte analogue à celui des passages que nous avons cités de la Constitution Lumen Gentium. La perspective de la collégialité apparaît pour le Concile de Vatican II dans le domaine de l’ecclésiologie interne de l’Église catholique, non dans celui de l’œcuménisme, et c’est, nous semble-t-il, faire violence aux textes que d’affirmer le contraire.

Sur un autre point, le lecteur catholique que je suis a ressenti un grand étonnement. En effet, dans le Commentaire du chapitre 22, l’auteur recherche de quelle manière le collège épiscopal peut exercer aujourd’hui l’autorité que la Constitution lui reconnaît et réaffirme. Il pose la question, dont il limite aussitôt l’intérêt : « Dans quelle mesure l’acte collégial, qui correspond à l’essence même de l’Église, est en même temps acte ordinaire de l’Église ? Il est sans doute très difficile de répondre à cette question, d’autant plus que la controverse a empêché une réflexion sereine sur le sujet » (p. 67-68). Or il nous semble qu’il y a une réponse évidente pour un catholique à cette question, qui montre la fécondité du texte conciliaire : la pratique des synodes généraux qui se sont multipliés après le Concile, à des intervalles rapprochés et qui ont pour la plupart donné naissance à des exhortations apostoliques de grande portée. On citera ainsi : Evangelii nuntiandi (1975) sur la catéchèse et l’évangélisation, signée par Paul VI en 1975, à la suite du synode de 1974 ; Catechesi tradendae (1979), Reconciliatio et Paenitentia (1984), Familiaris Consortio (1988), Christi fideles laici (1989), Pastores do vobis (1991), Vita Consecrata (1996), toutes signées de Jean-Paul II, après des synodes tenus entre 1977 et 1994.

On ne peut poursuivre l’analyse critique ici sans faire référence aux pages de la seconde partie (p.158-181) qui traitent de questions voisines, et que nous avons essayé de résumer : les conférences épiscopales et les synodes locaux. En effet l’auteur répond ici clairement à la question qu’il avait posée à la page 67, et il répond positivement, en montrant comment ces instances (conférences épiscopales et synodes locaux, voire continentaux) expriment d’une manière, certes non spécifique et non plénière au sens juridique [14], mais bien réelle, la collaboration entre évêques de l’Église catholique qui découle normalement de la participation au même collège sacré. D’où vient alors le silence, impressionnant, sur les synodes généraux, tenus pour toute l’Église ? Il nous semble que la réponse ne peut être, en toute impartialité et bienveillance de jugement, que proche de celle-ci. La lecture des institutions catholiques post-conciliaires révèle ici un jugement a priori de l’auteur : les synodes généraux portent la marque du pape, qui les a convoqués et qui a relu les conclusions, en y imprimant sa marque personnelle, pour rédiger les exhortations apostoliques. Il ne s’agit donc pas d’un acte venant du pouvoir des évêques proprement dit, il ne rentre donc pas dans le cadre théorique de l’ecclésiologie de communion.

On mesure ici combien l’analyse de l’auteur est plus d’une fois guidée par des considérations théoriques qui empêchent de voir la réalité. Car il est indéniable que le principe de ces synodes a été posé par le Concile de Vatican II (décret Apostolica Sollicitudo, signé le 15/9/1965 par Paul VI) et qu’ils ont largement contribué à un partage des expériences pastorales au sein du collège épiscopal et au développement de la communion des évêques entre eux et avec le pape.

Par un clin d’œil de la Providence, on remarquera que le rôle de ces synodes avait été prophétiquement annoncé par le grand théologien orthodoxe Olivier Clément : « Il ne faut donc pas s’étonner — comme on l’a fait assez naïvement au Concile — que le synode ait été créé par une initiative unilatérale du Pape. C’est strictement le droit de celui-ci, et tout à fait dans la lignée de Vatican II, avec sa curieuse dichotomie entre Pierre seul d’une part, Pierre parmi les Douze de l’autre (…). Le synode représentera donc la diversité de l’Église, dans un grand mouvement vital de bas en haut qui pourrait bien correspondre à une poussée de sève de l’Esprit, « donateur de vie ». Par là se fera l’apprentissage d’une interdépendance entre le pape et les évêques » [15]. Il nous paraît tout de même paradoxal que cette analyse si pénétrante n’ait pas figuré, au moins par un renvoi, à l’endroit où l’auteur se penche sur la question de l’apport de Vatican II au ministère épiscopal…

Des formules inacceptables : vers une herméneutique de la rupture ?

Passé la première partie, nous avons remarqué combien le ton de l’auteur s’affranchissait des précautions oratoires. Nous ne sommes plus devant un texte analysé sereinement, mais devant un accusé, le Concile de Vatican II, qui comparaît et est jugé avec sévérité et l’assurance triomphante de l’histoire en marche. Nous avons déjà cité des formules « définitives » : « les Églises locales sont complètement éclipsées dans cette perspective des rapports évêques-pape » (p. 103, à propos de LG III). Il reste des questions dont la formulation ne respire pas la sérénité : « Pourquoi l’ensemble des évêques sans le pape ne posséderait-il pas le pouvoir suprême, étant donné que ce pouvoir ne vient pas du pape, mais du sacrement ? » (p. 110). A côté de ces manifestations qu’on peu qualifier sans exagération d’irrespectueuses vis-à-vis des textes conciliaires, on notera que parfois la pensée semble s’emballer, sans plus de véritable lien avec le réel. Ainsi, la réflexion sur des regroupements d’Églises « au niveau intermédiaire » aboutit, au bout de quelques paragraphes, à cette proposition surprenante, que l’argumentation qui suit ne semble pas étayer solidement : « Est-ce que les Églises réformées, avec leur rites propres, ne pourraient pas prendre place dans l’Église catholique sous cette forme particularisée de la koinônia [16], une fois la plénitude de la foi retrouvée ? » (p. 160).

Quand on essaie de rassembler tous ces éléments défectueux, on a le sentiment que le défaut principal de l’ouvrage est de céder parfois, voire souvent, à des considérations qui sont, en fin de compte, réductrices du mystère de l’Église. On a le sentiment que s’appliquent ici les paroles de Benoît XVI : « Pourquoi l’accueil du Concile, dans de grandes parties de l’Église, s’est-il à présent déroulé de manière aussi difficile ? (…) Les problèmes de réception sont nés du fait que deux herméneutiques contraires se sont trouvées confrontées et sont entrées en conflit. (…) L’herméneutique de la discontinuité risque de finir par une rupture entre Église pré-conciliaire et Église post-conciliaire. Celle-ci [cette herméneutique] affirme que les textes du Concile comme tels ne seraient pas encore la véritable expression de l’esprit du concile. Ils seraient le résultat de compromis dans lesquels, pour atteindre l’unanimité, on a dû emporter avec soi et reconfirmer beaucoup de vieilles choses, désormais inutiles. Ce n’est pas cependant dans ces compromis que se révélerait le véritable esprit du Concile, mais en revanche dans les élans vers la nouveauté qui apparaissent derrière les textes : seuls ceux-ci représenteraient le véritable esprit du concile et c’est à partir de ces textes et conformément à ces textes qu’il faudrait aller de l’avant. (…) A l’herméneutique de la discontinuité s’oppose l’herméneutique de la réforme, comme l’ont présentée tout d’abord le pape Jean XXIII (…), puis le pape Paul VI (…). Je ne citerai que les célèbres paroles de Jean XXIII, dans lesquelles cette herméneutique est exprimée sans équivoque, lorsqu’il dit que le Concile ‘veut transmettre la doctrine de façon pure et intègre, sans atténuation, ni déformation’. » [17]

La lecture de la troisième partie de l’ouvrage du P. Boeglin confirme ces risques évidents de rupture. Ils font parfois sérieusement douter que l’auteur ait le droit de s’exprimer comme il le fait en sa conclusion : « Un des objectifs de notre étude sera atteint si les confessions non catholiques se laissaient ainsi interpeller par le point de vue qui est le nôtre » (p. 607). En effet, à plusieurs reprises, on a le sentiment désagréable que l’auteur veut prendre tellement de hauteur de vue dans le débat qu’il perd totalement le sens de la doctrine catholique. Cela est manifeste sur la question de l’unité de l’Église, avec la primauté reconnue au baptême sur toute autre base de discussion. On lit en effet à ce propos :

De ce point de vue, une critique de Vatican II sur les deux sacerdoces peut être légitime. En effet, Lumen Gentium 10 souligne la différence « essentielle » entre les deux sacerdoces. Comme les deux sacerdoces sont « ordonnés » l’un à l’autre, comment faut-il qualifier leurs rapports : une dépendance d’inférieur à supérieur, une co-responsabilité aux diverses formes ? (…) Il est fort difficile de s’appuyer sur des preuves scripturaires pour prouver l’existence de deux sacerdoces. Par ailleurs, les pères de Vatican II n’ont pas trouvé un seul texte de l’Ecriture pour légitimer la différence ontologique entre le baptême et le sacerdoce (…). (p. 253-254, n. 2).

Un tel raisonnement nous semble difficile à soutenir : en effet, si le passage incriminé de Lumen Gentium ne cite pas de texte biblique, c’est qu’il reprend une doctrine traditionnelle du magistère catholique ; c’est donc le magistère qu’il cite naturellement : Pie XI, Miserentissimus Redemptor, Pie XII, Magnificate Dominum, etc. [18] Pour trouver les références bibliques de la doctrine, il suffit de se reporter au Catéchisme de l’Église catholique, aux paragraphes 1539 à 1553. On y lit notamment : « Le sacrement de l’Ordre communique un ‘pouvoir sacré’, qui n’est autre que celui du Christ. L’exercice de cette autorité doit donc se mesurer d’après le modèle du Christ, qui par amour s’est fait le dernier et le serviteur de tous (cf. Mc 10, 43-45 ; 1 P 5, 3) » (CEC, § 1552).

Or il nous semble qu’un tel refus de la distinction des deux sacerdoces, évoqué en bas de la page 252, n’est pas étranger à la démonstration de l’auteur : c’est précisément parce qu’on ne reconnaît plus de valeur spécifique véritable au sacerdoce ministériel qu’on peut niveler toutes les communautés ecclésiales et reconnaître d’une part une inter-communion eucharistique universelle (« la communion eucharistique de tous les ‘incorporés’ ») et d’autre part une équivalence fondamentale de toutes les communautés chrétiennes, avec la possibilité de communier intégralement à la plénitude de vie de celle qu’on trouve sur son chemin, sans aucune inquiétude de conscience. Il est certain que ce genre d’argument ne peut recueillir l’accord des chrétiens orthodoxes, ancrés dans la fidélité à leur eucharistie, célébrée par leur évêque, mais il a pour conséquence fâcheuse de miner la position catholique, sans pour autant, nous semble-t-il, faire avancer très concrètement avec nos frères protestants un dialogue théologique fondé sur le respect mutuel.

Dans cette perspective, il apparaît que ce livre récent tombe directement sous le coup d’une analyse que le Cardinal Ratzinger présentait il y a quelque temps déjà : « La condition même du prêtre est singulière, étrangère à la société d’aujourd’hui. Il semble incompréhensible qu’une fonction, qu’un rôle en se fondent pas sur l’accord de la majorité, mais davantage sur la représentation d’un Autre, qui communique à l’homme Son autorité. Dans ces conditions, la tentation est grande de passer de cette surnaturelle « autorité de représentation », qui caractérise le sacerdoce catholique, à un « service de coordination de l’accord » bien plus naturel, c’est-à-dire à une catégorie compréhensible parce que seulement humaine, et qui plus est, cohérente avec la culture d’aujourd’hui » [19]. Et nous citerons volontiers un autre texte, qui sanctionne bien une grande partie des affirmations de l’ouvrage du P. Boeglin, tout ce qui semble être la construction d’une Église une, par une réflexion théorique a priori, insoucieuse du respect de la tradition de chacune des communautés ecclésiales : « Ceux-ci [les saints] réformèrent en profondeur l’Église, non en proposant des plans pour de nouvelles structures, mais en se réformant eux-mêmes. C’est de sainteté et non pas de management qu’a besoin l’Église pour répondre à chaque époque aux besoins de l’homme. » [20]

Il est temps de conclure : le P. Boeglin présente un ouvrage intéressant, mais d’un maniement délicat, en raison, nous semble-t-il pour la partie que nous recensée ci-dessus (p. 1 à 285), d’une fidélité insuffisante à la tradition de l’Église catholique et d’un nombre non négligeable d’affirmations infondées, par suite de positions prises a priori, qui empêchent de poser un regard impartial sur les textes commentés. A côté de ces défauts, il offre, par sa grande connaissance des dialogues œcuméniques, des informations utiles dans ce domaine et des pistes qui peuvent être exploitées pour un plus grand rayonnement du ministère pontifical, une meilleure connaissance mutuelle de tous les chrétiens, un approfondissement du mystère de l’Église, don de Dieu en Jésus-Christ aux hommes et femmes de tous les temps, à commencer par le nôtre.

Jacques-Hubert Sautel, Né en 1954, oblat séculier de l’abbaye Saint-Pierre de Solesmes. Travaille au CNRS sur les manuscrits grecs (Institut de Recherche et d’Histoire des Textes).

[1] L’expression ne se trouve pas dans les textes du Concile, mais elle se déduit assez naturellement d’un ouvrage comme l’encyclique Ut unum sint de Jean-Paul II : « En notre époque œcuménique, marquée par le Concile Vatican II, l’Evêque de Rome remplit en particulier la mission de rappeler l’exigence de la pleine communion des disciples du Christ » (§ 4). Plus lointainement, on peut considérer que l’expression trouve son origine dans le concept russe de « sobornost », qui désigne à la fois l’universalité et la conciliarité de l’Eglise (cf. J. Pelikan, La tradition chrétienne, trad. fr. par P. Quillet et J.-Y . Lacoste, t. V, PUF, 1994, p. 279-322).

[2] Ce chapitre s’intitule précisément « La Constitution hiérarchique de l’Église et spécialement l’épiscopat ».

[3] Tout comme le collège apostolique choisissant Matthias après la mort de Jésus et la trahison de Judas (Ac 1, 15-26) : les modalités du choix sont différentes (proposition de deux personnes et tirage au sort d’après ce texte), mais le principe est le même.

[4] Ce document, bref, mais très technique, a été ajouté à la Constitution à la demande expresse de Paul VI, pour préciser le sens du chapitre III, et notamment du paragraphe 22. Il représente la synthèse des réponses faites par la Commission théologique du Concile à tous les amendements proposés par les Pères.

[5] Ceci contredit au moins l’esprit de l’affirmation de la page 41 : « Cela [l’emploi du mot collège] en oriente tout de suite le sens et exclut forcément la collégialité comprise dans un sens juridique profane ».

[6] Cf. Tomos Agapis, Vatican et Phanar (1958-1970), Rome et Istanbul, 1971 (cité p. 229, n. 1)

[7] Ce principe se trouve dans le « Rapport de Pullach » (1972), résultat d’un dialogue entre luthériens et anglicans.

[8] Cette affirmation résulte d’un dialogue catholique romain / anglican (1976) : voir p. 252, n. 2.

[9] P. Evdokimov, « Un ministère pétrinien dans l’Église peut-il avoir un sens ? Réponse orthodoxe russe », Concilium, 64, avril 1971, p. 109-112 (ici 109-110), cité par P. Boeglin, p. 260 et 262.

[10] Jean-Paul II, Homélie en la Basilique Vaticane (6 déc. 1987), citée par l’encyclique Ut unum sint, § 95 (cf. supra, l’article de S. de Kersabiec).

[11] Benoît XVI, Rencontre œcuménique du 19 août 2005, dans : Benoît XVI avec les jeunes à Cologne (18-21 août 2005), éd. Téqui, 2005, p. 63-64. Le texte a été cité dans la revue Unité des chrétiens, n° 140 (oct. 2005), p. 4.

[12] Cf. M. Gitton, « Le ministère pétrinien », Résurrection, 98, fév.-mars 2002, pp. 57-61 (ici p. 59-60).

[13] Aux paragraphes 2 et 3, dans la présentation initiale de l’Église catholique (cf. la table analytique de l’édition Concile œcuménique Vatican II. Constitutions, décrets, messages. Paris, éd. du Centurion, 1967, p. 776).

[14] C’est ce qu’affirme explicitement le commentaire du canon 342 du Code de droit canonique dans l’édition française conjointe de l’Université de Navarre et de l’Université Saint-Paul, éd. Wilson et Lafleur Itée, Montréal, 1999 (1ère éd. 1989), p. 266-267.

[15] O. Clément, Réforme, 9 octobre 1965, p. 11 et 14, cité par P. Boeglin, p. 87, note 2.

[16] Le terme grec de koinônia est formé sur l’adjectif koinos, « commun » ; employé par les philosophes (Platon, Aristote), pour désigner les relations sociales dans la cité, il signifie « communion » dans la théologie contemporaine.

[17] Cf. Discours de Benoît XVI à la Curie romaine, le 22 décembre 2005 (Les grands événements qui ont marqué la vie de l’Église en 2005, éd. Téqui, 2006, p. 11-14).

[18] Par ailleurs, il est injuste et inexact de dire que les pères de Vatican II n’ont pas trouvé un seul texte de l’Ecriture à propos de la différence entre baptême et sacerdoce ; il suffit de penser que ce n’était pas l’objet précis du § 10 de LG, et de se reporter au ch. III (§ 28), où est cité le texte de l’encyclique de Pie XII, Mediator Dei, laquelle fait référence au texte du Concile de Trente qui a examiné la question sur le fond (Denzinger, Symboles et définitions de la foi catholique, 37ème éd., 1966, § 1763-1778).

[19] Joseph, Cardinal Ratzinger, et Vittorio Messori, Entretien sur la foi (traduction sous la dir. de Mgr Gagnon), Paris, Fayard, 1985, p. 62.

[20] Ibid., p. 59.

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