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La prière du P. Teilhard de Chardin. Teilhard missionnaire et apologiste. (Cardinal Henri de Lubac)

Paris, Cerf, 2007, 474 p.
Jean Lédion

Dans ce volume (Œuvres complètes XXIV) sont reproduits deux ouvrages et sept articles du cardinal de Lubac dont les publications initiales s’étalent entre 1965 et 1969. Ils sont tous consacrés, comme le titre l’indique, à la figure religieuse du père Pierre Teilhard de Chardin (1861-1955). Ce jésuite a d’abord été connu pour ses travaux scientifiques dans le domaine de la paléontologie humaine. Son nom n’était alors évoqué que chez les spécialistes et que dans les milieux romains où certains de ses écrits étaient suspectés d’hétérodoxie. Il devint célèbre après sa mort grâce au zèle, plus ou moins éclairé, de certains de ses disciples et de certains de ses ennemis, dans les années 60. A cette époque on édite ou réédite un grand nombre de ses ouvrages : c’est un auteur à la mode que l’on pousse en avant pour susciter des débats polémiques dont sont friands les médias de l’époque.

Aujourd’hui, Teilhard mérite sans doute d’être relu avec un peu plus de sérénité. Pour cela il est certainement nécessaire de lire, en préalable, les ouvrages que le P. de Lubac lui a consacrés. En effet, le style littéraire de Teilhard est quelque peu déconcertant et, une lecture un peu superficielle, peut conduire à beaucoup de contresens sur le fond de sa pensée. C’est pourquoi beaucoup de ses censeurs lui reprochaient de nier la doctrine du péché originel, d’avoir des positions qui frôlaient le panthéisme, etc. Mais, entretemps, Teilhard était mort et ne pouvait donc plus se défendre. Alors, au début de l’année 1961 les supérieurs de la Compagnie de Jésus demandèrent au Père de Lubac d’écrire pour défendre sa mémoire et l’orthodoxie de sa pensée. Les textes de ce volume font partie de ce travail que notre auteur a entrepris avec d’autant plus d’ardeur qu’il avait noué depuis longtemps des relations d’amitié avec Teilhard, bien que celui-ci ait été d’une génération plus ancienne.

On verra donc, à la lecture de ces différents textes, quelle a été l’évolution spirituelle de Teilhard au cours de cette première moitié du XXème siècle. On découvrira que sa pensée théologique était plutôt traditionnelle et qu’il souhaitait vivement renouveler l’apologétique en utilisant toutes les données et réflexions scientifiques qu’il avait accumulées au cours de sa carrière de chercheur en paléontologie. Mais laissons le soin au cardinal de Lubac de conclure : « Nous disions en commençant que toute l’œuvre du père Teilhard de Chardin pouvait être comprise, envisagée sous un certain biais, comme un effort renouvelé pour établir l’existence de Dieu, par le relais d’une preuve de l’irréversibilité du Cosmos, c’est-à-dire de l’immortalité des âmes personnelles, afin de mener ensuite les hommes jusqu’au Christ. En finissant, nous pouvons dire encore, dans un langage peut-être plus actuel, que cette œuvre est un incessant dialogue avec l’une des variétés les plus répandues de l’athéisme du XXème siècle. C’est un dialogue réel, entrepris et poursuivi durant plusieurs décades avec de nombreux représentants de cet athéisme, rencontrés soit dans le monde des savants, soit parmi les hommes formés à l’école d’une science athée. […] Ce dialogue n’est jamais un dialogue de complaisance ou de facilité. Encore moins de concessions ou de démission. […] Son dialogue est toujours — ce que doit finir au moins par être tout dialogue sérieux sur le plan intellectuel — un dialogue d’affrontement. Il y a pour nous, aujourd’hui, un exemple salubre. […] Et le sérieux mis par le père Teilhard de Chardin dans son affrontement avec le matérialisme athée confère à son œuvre un poids que n’auront jamais bien des écrits apparemment plus subtils. C’est pourquoi beaucoup, aujourd’hui, sentent qu’il leur faut la prendre au sérieux. » (pp. 366-368)

Jean Lédion, marié, trois enfants. Diplôme d’ingénieur, docteur d’État ès Sciences Physiques. Enseignant dans une école d’ingénieurs à Paris.

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