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Le Saint-Siège exhorte à la paix : prophétisme ou réalisme ?

Christophe Bourgeois

On ne saurait ignorer aujourd’hui les appels sans cesse renouvelés du Saint-Siège à une véritable promotion de la paix dans un monde menacé par toutes sortes de conflits. Non seulement, le discours de Jean-Paul II prolonge les efforts de ses prédécesseurs, depuis Benoît XV au moins, pour encourager la création d’instances internationales, mais le Saint Père donne actuellement à ces appels une forme particulièrement exigeante et décisive. Dans un message lancé le 23 septembre 2001, lors de son voyage au Kazakhstan, il s’écriait : « je désire faire un appel à tous, chrétiens ou appartenant aux autres religions, afin que nous puissions construire un monde sans violence, un monde qui aime la vie, et grandit dans la justice et la solidarité ». La lettre apostolique Novo Millennio Ineunte insiste sur cette nécessité primordiale de la réflexion et de l’engagement chrétiens au service de la paix. Elle intègre à cette dynamique le dialogue interreligieux, dans la suite de l’esprit d’Assise.

Dans un contexte de pluralisme culturel et religieux plus marqué, tel qu’il est prévisible dans la société du nouveau millénaire, un tel dialogue est important pour assurer aussi les conditions de la paix et éloigner le spectre épouvantable des guerres de religion qui ont ensanglanté tant de périodes de l’histoire humaine. (Novo Millenio Ineunte, § 55)

De tels propos ne concernent pas le seul niveau de l’action diplomatique du Saint-Siège. Ils s’inscrivent dans l’appel plus large à une « civilisation de l’amour » : d’une part, le pape s’adresse aux fidèles catholiques comme à l’humanité tout entière, croyante ou non ; d’autre part, l’exigence de paix inclut généralement un discours sur un monde plus juste, plus solidaire, fondé sur un développement équitable et durable [1]. On reconnaît là les thèmes déjà exposés dans le document conciliaire Gaudium et spes, qui deviennent autant de soubassements de l’action pacificatrice visée par le Saint-Siège.

Devant cette constante du discours pontifical, deux interrogations différentes peuvent surgir. Ces diverses exhortations marquent-elles une réelle confiance dans les institutions terrestres chargées de défendre la paix collective, dont les références au christianisme sont souvent plus que floues ? Faut-il décrypter dans ces paroles un prophétisme pacifique qui ferait fi des difficultés de ce monde et supprimerait toute prudence face au déchaînement du mal ? Cet engagement du Saint-Siège doit être perçu dans une dimension résolument pastorale. On rappellera notamment que le discernement exercé par la hiérarchie catholique sur tel ou tel enjeu stratégique ou diplomatique ne relève pas de l’infaillibilité du Magistère. Adaptée aux circonstances, cette position est nécessairement fragile. Essayer d’en interroger la cohérence ne manque pourtant pas d’intérêt : cela nous oblige à penser le lien entre deux ordres différents, la prédication théologique de l’Église d’une part, orientée vers la possession définitive de la paix donnée par le Christ, et le discernement qu’elle exerce sur des réalités géopolitiques éphémères d’autre part.

Démasquer la violence

Une chose est certaine : la Révélation biblique traque et démasque la violence qui habite souvent l’exercice du pouvoir, qui sont les instruments essentiels de l’idolâtrie. En faisant face aux troupes d’Holopherne envoyées par Nabuchodonosor (Livre de Judith, chapitres 8 à 13), la pieuse Judith non seulement montre ce que la piété, le courage et la confiance dans le seul vrai Dieu peuvent contre l’incarnation du mal qu’est le tyran babylonien, mais le livre démonte également soigneusement le mécanisme par lequel la conquête violente et la force faite loi sont la manifestation d’un désir de substituer à l’alliance voulue par Dieu l’idolâtrie d’un empire total et tyrannique. Au passage, on voit que Judith est récompensée d’assassiner Holopherne. Dans sa lucidité, l’auteur biblique ne manque pas de réalisme ! Judith rassemble d’ailleurs en elle deux ensembles de traits que d’aucuns jugeraient opposés : elle exprime d’une part l’humilité et la pauvreté qui caractérisent le peuple de l’Alliance ; elle montre en même temps courage et force dans l’adversité, réunissant par là dans un même personnage aveu de sa faiblesse face à Dieu et virtus du soldat.

Dans son ensemble, l’Ancien Testament est bel et bien porteur d’une réflexion ambitieuse sur les turpitudes du pouvoir et les convoitises violentes qu’il porte et qu’il justifie, rendant nécessaire sa stricte soumission à la Loi divine. Enfin, la vision biblique du sacrifice ne raccroche nullement la pratique de la religion à un mimétisme aveugle de la violence, puisque au contraire la notion de miséricorde se trouve placée de plus en plus clairement au cœur du culte rendu à Dieu. On sait d’ailleurs que René Girard a voulu montrer au fil de son œuvre, et en particulier dans Je vois Satan tomber comme l’éclair [2], comment le christianisme s’oppose radicalement aux mythes païens, où le sacré s’enracine toujours dans la répétition de la violence et du meurtre : ici au contraire le sacrifice du Christ sur la Croix exhibe les mécanismes de la violence telle qu’elle est, pour mieux les déjouer et en extirper les racines. Il y voit un aboutissement de la réflexion biblique sur le péché, que le désir de guerre, à la fois contre Dieu et contre le prochain, ne cesse d’aviver dans le cœur de l’homme.

La Croix, source de la vraie paix

Le sacrifice du Christ sur la Croix révèle dans toute sa profondeur le projet de Dieu sur l’humanité. Les épîtres pauliniennes donnent à ce mystère une place centrale en faisant du Christ mort et ressuscité le chef de toute la race humaine et, plus encore, de tout l’univers créé : par le sang de sa Croix, il réalise l’unité voulue par le Père.

Dieu s’est plu à faire habiter en lui toute la Plénitude et par lui à réconcilier tous les êtres pour lui, aussi bien sur la terre que dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix. (Col 1, 19-20) [3].

Cette unité vient briser la séparation introduite par la Loi entre le peuple juif et les nations païennes, car la Rédemption accomplit la Loi, en ce que le Christ, par son abandon filial au Père, porte à un degré inouï de réalisation. Si, dans l’Ancien Testament, les guerres entre le peuple de l’Alliance et ses voisins ennemis ont leur place dans la pédagogie divine, parce qu’elles exigent que les fils d’Israël renouvellent sans cesse leur confiance en Dieu, elles trouvent dans la Croix une conclusion surprenante et décisive. Fondamentalement, c’est donc au cœur de l’offrande du Fils qu’il faut chercher, d’un point de vue chrétien, la vraie source de la paix.

Car c’est lui qui est notre paix, lui qui des deux peuples n’en a fait qu’un, détruisant la barrière qui les séparait, supprimant en sa chair la haine, cette Loi des préceptes avec ses ordonnances, pour créer en sa personne les deux en un seul Homme Nouveau, faire la paix, et les réconcilier avec Dieu, tous deux en un seul Corps, par la Croix : en sa personne il a tué la haine. (Ep 2, 14-16)

Saint Paul introduit ici le thème qui lui est cher du nouveau Temple édifié par le Christ, Temple où le parvis des « Gentils » n’est plus séparé de celui des Juifs, Temple où tout peut enfin être récapitulé en Dieu, où tous sont intégrés à cette construction admirable qui a le Christ pour « pierre d’angle » et les apôtres pour « fondations » (Ep 2, 20). C’est dire que l’unité du genre humain dont il est question est prioritairement celle du Corps Mystique et que l’universalité n’est portée à son point d’accomplissement que par l’Église, une, sainte, catholique et apostolique. C’est dire aussi que tout ce qui touche à l’effacement des divisions sanglantes entre les hommes, tout ce qui porte atteinte à la prise de conscience de la part d’universalité que porte chaque homme, concerne une dimension absolument centrale de l’histoire du salut.

Tension eschatologique

Seules comptent alors la conversion du cœur et la récapitulation finale en Jésus-Christ de toute l’humanité sauvée de son péché. Cette conversion passe par l’épreuve décisive de la Croix, choix radical pour l’homme et donc, par là, objet de scandale aux yeux du monde. D’une certaine manière, seule l’évangélisation peut apporter la paix en venant extirper du cœur de l’homme la racine du péché. Car celui-ci, comme le dit saint Jacques, est bien la raison profonde des conflits humains.

D’où viennent les guerres, d’où viennent les batailles parmi vous ? N’est-ce pas précisément de vos passions, qui combattent dans vos membres ? Vous convoitez et ne possédez pas ? Alors vous tuez. Vous êtes jaloux et ne pouvez obtenir ? Alors vous bataillez et vous faites la guerre. (Jc 4, 1-2)

Le chrétien ne peut donc opposer au monde que son seul trésor : la mission de l’Église, menée dans la pureté de l’Évangile et particulièrement la mission ad gentes, est garante de la paix ; le combat spirituel peut seul rendre inoffensives en l’homme les haines qui le dévorent ; la communion sacramentelle peut seule réaliser l’unité des hommes. Et si saint Benoît est aujourd’hui le patron de l’Europe, c’est que l’immense vague de fondations monastiques qu’il initia à travers tout le continent fit sans doute beaucoup plus pour construire et civiliser celui-ci que beaucoup de traités, de palabres et de négociations. Il convient peut-être d’envisager alors l’appel à la « nouvelle évangélisation » comme la fine pointe du discours pontifical contemporain sur la nécessité de la paix, et non l’inverse. La recherche de la paix a pour horizon le rappel de l’urgence de la conversion des cœurs.

Il s’agit donc d’abord d’un combat spirituel.

Cela nous oblige à éviter une erreur de perspective : cette paix est ultimement celle que donne le Christ et qui est accomplie dans la Jérusalem Céleste et la réconciliation définitive de l’homme avec Dieu. Or le récit de l’Apocalypse est là pour nous rappeler que jusqu’à cette paix-là, la violence humaine se déchaînera, avec ses guerres et ses oppositions et qu’il existera même beaucoup de fausses paix voilant l’idolâtrie et le crime. Le discours chrétien ne peut oublier cette réalité délicate : la véritable paix n’est pas de ce monde.

Du personnel au collectif

Cette tension eschatologique du discours chrétien sur la guerre et la paix rend problématique le passage des exigences morales personnelles aux exigences collectives. La lettre de saint Jacques citée ci-dessus nous dit le lien qui existe entre nos fautes personnelles et les plus graves désordres du monde, elle ne nous décrit pas une loi morale applicable à une réalité collective.

Nous ne sommes pas pour cela dispensés d’une réflexion sur l’organisation de la cité et les principes d’une sécurité collective. Caritas urget nos. La charité exige de nous cette réflexion, pour nous préserver de deux tentations finalement symétriques. La première, oubliant le lent et douloureux voyage de ce monde imparfait à la Jérusalem céleste, rêverait d’un accomplissement terrestre, utopique, de cette unité du genre humain et de cette paix universelle : il y a eu des hommes pour rêver de construire à toute force cette unité du genre humain, ils ont bâti la tour de Babel et l’on sait ce qui est advenu d’eux. La seconde en est l’exact négatif, qui consisterait à dire qu’il existe un discours prophétique, louable, fort édifiant et fort respectable dans la bouche d’hommes religieux, mais qu’en attendant mieux, il y a des hommes concrets qui doivent résoudre des conflits concrets : l’appel à la paix aux religieux, la gestion du monde concret aux politiques et aux soldats. On pourrait leur rétorquer cette phrase de Bernanos, suffisamment hostile aux « bons sentiments » pour n’être pas taxé d’angélisme : « Le Pax hominibus bonae voluntatis ne saurait tout de même pas se traduire par : ‘Guerre d’abord, on verra plus tard’, non ? » [4].

Tension eschatologique ne signifie donc pas désengagement des réalités éthiques et sociales.

Ce versant éthique et social constitue une dimension absolument nécessaire du témoignage chrétien : on doit repousser toute tentation d’une spiritualité intimiste et individualiste, qui s’harmoniserait mal avec les exigences de la charité, pas plus qu’avec la « logique » de l’Incarnation et, en définitive, avec la tension eschatologique du christianisme. (Novo Millenio Ineunte § 52).

Or ramener dos à dos angéliques et cyniques ne suffit pas à penser notre rapport à la guerre et à la paix. Or, vu de l’extérieur, le discours pontifical peut paraître écartelé entre deux postulations antithétiques. D’une part, c’est un discours profondément lucide, qui « rejette tout pacifisme qui serait de la lâcheté ou la simple préservation de la tranquillité » [5]. D’ailleurs, déclare le pape le 1er janvier 1982, le chrétien « ne se leurre ni sur sa capacité de faire triompher la paix, ni sur la portée des initiatives qu’il prend dans ce but ». Il ajoute même :

On pourrait presque dire qu’il les « relativise » doublement, en les mettant en relation avec la condition pécheresse de l’homme et en les situant par rapport au plan salvifique de Dieu. […] une société totalement humaine et pour toujours pacifiée est malheureusement une utopie [6].

D’autre part, il ne cesse d’affirmer que « la guerre est le moyen le plus barbare et le plus inefficace de résoudre les conflits », il espère même que la terreur déclenchée par les moyens modernes de destruction massive provoquera une prise de conscience à l’échelle de toute l’humanité pour que celle-ci se dote de moyens de négociation efficaces. À contretemps, dans les pires situations, il demande aux frères ennemis de se rencontrer, là où tout semble perdu.

Justice et Charité

Il nous semble qu’une telle attitude se comprend de deux manières complémentaires.

En premier lieu, l’engagement des chrétiens pour la paix relève de l’action civilisatrice de l’Église. Celle-ci n’a jamais épargné sa peine, dans son histoire, pour favoriser tout effort de législation, d’organisation et d’humanisation des rapports sociaux. Il s’agit là d’ailleurs d’une caractéristique souvent très marquée dans l’Église latine, qui, confrontée très tôt à l’effondrement complet de l’Empire romain, ne put éviter l’urgente nécessité de reconstruire une civilisation occidentale organisée et pacifiée [7].

En effet cet engagement serait absurde sans un pari fondé sur un discernement spirituel : le chrétien a le devoir de ne pas étouffer en l’homme son aspiration profonde à une image plus grande et plus belle de l’humanité, à ne pas détruire par le désespoir ce qui demeure en lui de désir plus ou moins conscient du Bien. À l’espoir toujours déçu des rêves trop humains, voire des utopies les plus généreuses, toujours condamnées par le revers sanglant qu’elles ne manqueront pas de déclencher, répond l’espérance du Christ, dont la victoire sur toutes les formes du mal constitue une réalité toujours secrètement présente.

C’est pourquoi l’Église déploie son activité séculaire de civilisation et de promotion de la culture, si l’on veut bien comprendre sous ces mots souvent galvaudés ce à travers quoi se manifestent les désirs les plus hauts que peut porter l’homme. Lorsque Jean-Paul II déclare à l’UNESCO, en 1980, « Veillez à la culture de votre nation ; c’est ce qui fait en l’homme l’humain », il montre qu’au-delà des pulsions anarchiques et meurtrières qui fragmentent l’homme pointe une exigence de sens, fondée sur une vision de l’humanité qui dépasse la simple clôture des individus (ou des groupes d’intérêt) sur eux-mêmes, exigence dont la grâce surnaturelle apportée par le Christ est le seul véritable accomplissement. Civilisation et culture, aussi imparfaites fussent-elles, inscrivent dans le charnel l’exigence spirituelle de l’homme [8].

Il s’agit donc d’un discernement pastoral selon l’ordre de la charité. Celui-ci permet d’apercevoir le sens dont est porteuse l’exigence de justice, puisque cette dernière manifeste chez l’homme le désir naturel de Dieu et le pressentiment de notre vocation surnaturelle. Les appels répétés à la paix invitent nos contemporains à repenser sans cesse l’articulation entre la dimension universelle de l’humanité (sa catholicité donc) et les médiations particulières qui la constituent (peuples, nations et cultures). Ce jeu que révèle le dynamisme de l’histoire pointe vers l’appel à constituer le Corps du Christ, sans que cette dernière réalité eschatologique ne puisse jamais être confondue avec quelque institution, quelque principe d’éthique collective, ou quelque utopie que ce soit.

Autrement dit, le discours pastoral de l’évêque de Rome invite à une relecture complexe et exigeante des réalités multiformes de l’ordre historique dans lequel s’inscrit la tension entre guerre et paix. Il fait le pari de discerner dans l’aspiration à une humanité pacifiée un désir fragile de reconnaître le dessein de Dieu. Celui qui déjà devine que l’homme appartient à une destinée universelle ne se prépare-t-il pas à entendre la voix de la catholicité ? Celui qui pressent confusément dans son cœur que le règne de l’impunité amollit le sens moral des hommes ne s’expose-t-il pas à entendre un jour le commandement nouveau de la pureté du cœur qui ne tolère nulle demi-mesure par rapport au mal ? Celui qui voit les hommes assoiffés de paix ne risque-t-il pas un jour de se laisser bouleverser par l’enseignement du Christ sur le repos de l’homme en Dieu ? Cette aspiration fragile doit être stimulée.

Christophe Bourgeois, né en 1975, ancien élève de l’E.N.S., agrégé de Lettres modernes. Thèse sur Théologies poétiques de l’âge baroque, la Muse chrétien (1570-1630), Paris, Champion, 2006. Enseignant en lettres dans un établissement catholique de la région parisienne.

[1] Voir à cet égard les discours rassemblés dans le volume Sur la paix et la guerre, collection « Ce que dit le pape », textes choisis et présentés par les moines de Solesmes, Le Sarment, Fayard, 1991.

[2] Paris, Grasset, 1999.

[3] Traduction de la Bible de Jérusalem2 (1975).

[4] Les Grands cimetières sous la Lune, Essais, tome I, Pléiade, p. 523.

[5] Sur la paix et la guerre, op. cit., p. 73.

[6] Ibid., p. 91.

[7] On peut également relever chez nos frères orthodoxes une réflexion féconde sur l’ascèse spirituelle comme seule réponse authentique à la violence, dont le témoignage des chrétiens victimes pour leur foi dans la Russie soviétique est une belle illustration. Cf. Michel Stavrou, La victoire promise sur toute violence destructrice, Unité des chrétiens, 132 (oct. 2003).

[8] De ce point de vue, le discours pontifical ne néglige pas de protéger les « nations » comme expression de ces cultures (plutôt que comme emblèmes d’un nationalisme) parce que celles-ci peuvent constituer une médiation dans l’expression du désir religieux de l’homme, voir le numéro de Résurrection consacré à Dieu et les nations, n° 64-65, juin-septembre 1996.

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