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Le Signe des signes. Sermons sur la Passion et la Résurrection. (Pierre Chrysologue)

Introduction, traduction notes et index par Marie Steffann, Sœur de la Providence de Portieux, éd. Migne, Diffusion Littéral, 2007 (Les Pères dans la foi, n°96)
P. Michel Gitton

Ravenne dans le deuxième tiers du Ve siècle ! Galla Placidia, les derniers feux de l’Empire romain d’Occident, l’Orient aux portes de l’Occident, les mosaïques étincelantes, sans oublier le Rotulus de Ravenne, cette mine pour les connaisseurs de l’ancienne liturgie latine, c’est dans ce monde fascinant que Pierre enseigna pendant une vingtaine d’années du haut de sa chaire épiscopale. C’est la tradition ultérieure qui l’a qualifié de « Chrysologue », c’est-à-dire « au verbe d’or ». Mais son enseignement ne passa pas inaperçu dans un temps où d’autres grandes voix retentissaient dans l’Église latine (Saint Léon le grand, Maxime de Turin, Cassien, Vincent de Lérins, etc... ; le grand Augustin, lui, s’était éteint en 430). Son œuvre est essentiellement oratoire et se coule pour la plus grande part dans le déroulement de l’année liturgique. C’est une heureuse initiative d’avoir réuni en un volume des sermons prononcés dans le cadre des diverses célébrations qui s’égrènent depuis la fin du Carême (où, traditionnellement, on lit le récit de la résurrection de Lazare) jusqu’à la Pentecôte. La parole est directe et entraînante, les préoccupations sont celles d’un pasteur qui veut éveiller ses fidèles à la vie de foi en leur donnant une approche intelligente du mystère, l’Ecriture est prise et reprise inlassablement pour en tirer toute la sève, l’allégorie est convoquée, mais sans excès.

On ne fait pas volontiers crédit à Pierre d’une pensée théologique originale, pourtant il y a chez lui une présentation de la Rédemption qui, pour être classique (c’est le thème de la lutte victorieuse contre le Démon), ne manque pas de vigueur, comme on le voit notamment à l’explication des motifs de la Passion : « pourquoi le Père a-t-il envoyé son Fils à la mort, et à une telle mort ? Pourquoi celui-ci a-t-il eu à subir une Passion si ignominieuse ? Pourquoi l’Esprit Saint a-t-il permis que le Christ, qui partage comme lui les attributs de la divinité, subisse dans sa chair une telle violence ? » (Sermon 72 ter, 3, p. 73). Le souci de rattacher le salut à l’initiative de chacune des personnes divines est remarquable, et pas moins le traitement de la question, qui rattache la « raison » de la kénose aux deux attributs divins de charité et de justice : Dieu est libre, mais il agit en cohérence avec l’exigence d’amour qui le caractérise au plus haut degré (« car la vraie souveraineté est celle qui se fait obéir par amour » ibid., 4, p.75).

Espérons que d’autres œuvres du grand évêque de Ravenne nous seront bientôt accessibles.

P. Michel Gitton, ordonné prêtre en 1974, membre de la communauté apostolique Aïn Karem.

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