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Les bouleversements géostratégiques intervenus depuis la fin de la guerre froide

Amiral Philippe Mallard

J’ai été en contact pendant une quinzaine d’années, et en contact j’oserais dire presque intime, avec les ministres successifs de la défense et des affaires étrangères. Ayant à cette époque-là porté le titre bien pompeux de « conseiller stratégique du chef d’état-major des armées », je faisais ce que je pouvais - lui aussi d’ailleurs. L’intimité avec ces ministres vient de ce que nous nous déplacions beaucoup et partout, car ce sont de grands voyageurs : ils sont toujours dans des avions, et ils ont à côté d’eux des petites mains dont je faisais partie, qui essaient de leur dicter ce qu’il faut qu’ils disent. C’est excellent au deuxième degré, parce que selon les personnalités des ministres, ou bien ils ne changent pas un iota ou bien ils font comme celui qui, un jour, au bout de trois minutes de son discours, m’a jeté le discours en disant : « quel est l’imbécile qui m’a écrit ça ? » - excusez-moi, mais l’imbécile, c’était moi - , et qui a continué à parler sans papiers… C’est très intéressant parce que cela montre comment nos dirigeants, nos hommes politiques réfléchissent et voient les choses. C’est plutôt à ce titre-là que je vous parlerai des bouleversements géostratégiques.

La géostratégie est un terme qui peut paraître pompeux, mais uniquement à ceux qui n’en font pas, parce que c’est vraiment très simple. La géostratégie consiste tout simplement à vivre avec une carte de géographie devant soi, à se dire qu’un océan sépare les continents, qu’il y a 3000 km entre Paris et New York, qu’il y en a autant entre Paris et Moscou, etc. C’est ce genre que l’on appelle la géostratégie. Et puis après on l’habille.

Je vais donc à commencer par vous parler de contexte général, de contexte mondial, ensuite je rétrécirai petit à petit le sujet en parlant de l’Europe, puis de la France - il faut bien faire un peu de nombrilisme ! Pour ce qui concerne le contexte mondial, les journaux sont remplis de ce que je vais vous dire, bien sûr, mais je vais simplement essayer de les analyser avec ma vision de chrétien et de professionnel de la stratégie. Comme il faut partir de quelque part, partons d’une idiotie qui a eu son heure de mode et qui est de ce brave auteur américain qui avait dit que la chute de l’URSS marquait la fin de l’histoire. Bien entendu c’est la négation de la rotation de la terre que de dire ça : il n’y a pas de fin de l’histoire ; mais enfin je dirais que c’est intéressant a contrario.

I - Le contexte mondial

1 - La chute de l’Empire Soviétique

Je vous donnerai quatre points chronologiques puisque nous partons de la disparition de l’URSS. Le premier point chronologique qui me paraît intéressant, c’est bien entendu la chute de l’empire soviétique il y a maintenant, il ne faut pas l’oublier, plus d’une dizaine d’années. Et en dix ans, il se passe beaucoup de choses. Cette chute de l’Union soviétique a été plus que largement commentée - je m’étonne d’ailleurs qu’on n’y mette pas les inondations comme conséquence. Je vous indiquerai trois points qui me paraissent importants.


La disparition de l’ennemi

Le premier point, c’est, en négatif, les conséquences d’une parole que nous a dite - je dis « nous » puisque j’étais présent- le maréchal Arbatoff, qui était ministre de la défense de l’URSS à l’époque. C’était quand même la fin, on commençait à sentir les craquements, et on commençait surtout, ce qu’on n’avait jamais fait auparavant, à se rencontrer plus ou moins discrètement pour essayer d’analyser comment, tout en continuant à se faire la guerre froidement, on pouvait un petit peu baisser la garde. Arbatoff nous a dit cette phrase absolument terrible : « nous allons vous faire la pire des choses, nous allons vous priver d’ennemi ». Et c’est très vrai, car, à bien des égards, la géostratégie occidentale - et c’était commode, c’était facile - s’appuyait comme on s’appuie sur un mur avec action et réaction : nous nous appuyions très largement sur l’URSS pour construire notre propre défense. En particulier en matière classique, moins en matière nucléaire. C’était l’époque où, certains d’entre vous s’en rappellent peut-être, on parlait des milliers de chars soviétiques, je crois qu’il devait y avoir 25 000 chars, la France en avait 1200, vous voyez à peu près quelles étaient les proportions, et l’OTAN, qui avait été créée évidemment pour ça, se comportait vis-à-vis de l’URSS comme le monsieur qui s’appuie sur un mur, c’est-à-dire que très largement on construisait l’armée qui pouvait s’opposer à celle que l’URSS construisait. Le jour où ce mur a été démoli, il n’y a plus eu d’appui ; c’est très net au point de vue de la défense classique de nos pays. C’est la première remarque.


La fin du contrôle de la subversion

La deuxième remarque, c’est que tant à l’Est qu’à l’Ouest, il ne faut pas se faire d’illusions, les deux grands, comme on disait à l’époque, ou super grands, comme vous préférez, tenaient très fermement les rênes de tous les petits pays : ils contrôlaient parfaitement, ou plus ou moins parfaitement les pulsions anarchiques ou subversives. Il y avait une espèce d’acné, on laissait pousser, mais on savait que ça sécherait au bout d’un certain temps. Ils contrôlaient très bien cela.

La disparition de l’URSS a supprimé ce contrôle de la subversion et de l’anarchie, on le voit bien aujourd’hui. L’un des exemples les plus caractéristiques de cette époque est celui de l’Égypte. Le colonel Nasser avait l’art et la manière de passer du soutien des Américains au soutien des Russes. Il vidait le porte-monnaie des Russes (c’était quand même assez vite fait), et quand il avait encore besoin d’argent, il passait chez les Américains. Quand il a voulu construire son célèbre barrage, il a fait un changement d’aile. Cela, c’est fini. Ce que l’on appelait le « clientélisme alternatif » à l’époque, a disparu. Vous êtes comme dans le village où il n’y a plus de petites épiceries, il n’y a plus qu’une grande surface. C’est cela qui se passe aujourd’hui.


La disparition des blocages

Et finalement cette position-là amène la troisième conséquence qui me paraît importante et qui est la disparition des blocages. Plus de contrôles et donc plus de blocages. Non seulement disparition de blocages subversifs, mais éclatement des mini-empires, dont le plus bel exemple est celui de la Yougoslavie. Tito, en termes de géostratégie, avait au moins une qualité, c’était celle d’avoir fédéré un certain nombre de tendances locales et régionalistes. Le jour où tout cela disparu, les régionalismes ont éclos à une vitesse foudroyante. Cela partout, et on y reviendra avec la France, car on le voit aussi aujourd’hui en France de façon assez claire.

Cette rupture des blocages a eu lieu bien sûr dans la périphérie qui nous est chère, c’est-à-dire celle de l’Est de l’Europe, mais elle a aussi eu lieu dans une région qui n’a pas fini de faire parler d’elle : le Caucase, tout ce qu’on appelle la « turquicité », « l’arc turc » comme disent les professionnels. Il s’agit de tout ce qui est derrière la Turquie et qui part vers cet infiniment loin vers l’Est et qui est l’extrême de l’Orient, mais au nord, au nord de l’Inde, toute cette ceinture d’États dont les noms se terminent en « tan ».


Les causes de l’éclatement de l’empire soviétique

Au passage, concernant cette explosion de l’empire, je crois quand même qu’avec du recul, il faut noter que ceux qui justement ont parlé de cet empire éclaté se sont trompés. L’empire n’a pas du tout éclaté comme cela avait été prévu. On nous avait toujours dit que l’empire éclaterait par les extrêmes orientaux. Mais cela a éclaté chez le meilleur élève, chez le meilleur communiste de l’époque qu’était la RDA, et chez les ouvriers, les prolétaires de ce pays. Le processus a donc été extrêmement différent de ce que l’on avait prévu.

Je veux également souligner que les deux éléments qui ont fait sauter cette affaire sont d’une part l’augmentation du niveau de vie à l’Ouest, qui a quand même très largement fasciné, il ne faut pas l’oublier, les populations de l’Europe de l’Est, mais aussi d’autre part, il faut bien le dire, l’action du Pape à l’époque. Je crois qu’il y a toute une fraction de la population qui cherche aujourd’hui à minimiser cela, et qui affirme que ce sont surtout les radios et Coca-Cola qui ont fait éclater l’URSS, mais je crois quand même que Jean-Paul II a eu une part personnelle importante dans cette affaire. Le premier repère chronologique est donc la chute de l’empire soviétique.


2 - L’apparition des « États voyous »

Le deuxième repère chronologique, c’est l’apparition de ce que l’on appelle les États voyous. C’est une notion dont on ne parlait pas autrefois. Les Américains les appellent les « rog states ». Ce sont ces espèces de tyranneaux locaux, ceux que l’on appelait au XIXème siècle en stratégie les « perturbateurs », c’est-à-dire ces pays de moyenne taille qui ont un potentiel économique, idéologique, certain, et qui ont maintenant les mains libres. Entre parenthèses, un certain nombre de personnes mettent la France parmi ces perturbateurs. Ces États voyous ont cherché comment ils pouvaient faire parler d’eux et acquérir une espèce d’aura, quel que soit le prix de cette aura : ils ont choisi ce qui était le plus facile à notre époque, mais sans doute le plus sale, ils ont fait ce qu’il y avait de plus infect, c’est-à-dire la prolifération ; c’est ce qu’on appelle aujourd’hui la prolifération NRBC.


La prolifération NRBC

« N » c’est le nucléaire. Il est clair qu’aujourd’hui sur Internet vous trouverez sans problème le vade-mecum du parfait petit fabricant de bombe A. La première différence avec les bombes officielles, c’est qu’elles sont sales, très sales. La deuxième différence importante dans cette saleté, c’est qu’elles sont à peu près sûres de ne pas atteindre la puissance pour laquelle on les a fabriquées ; en tout cas la probabilité pour que la puissance nominale soit atteinte est assez faible. Il faut bien dire cependant qu’il y a des États qui sont assez forts pour faire des vraies bombes. Voilà pour le nucléaire.

Le deuxième type de prolifération qui est assez sale lui aussi, c’est la prolifération radiologique, qu’il ne faut pas confondre avec la prolifération nucléaire. Le nucléaire, c’est une arme globale, ayant pignon sur rue, dont on peut parler, que l’on peut faire évoluer, etc. Le radiologique, c’est la gestion des déchets, c’est la respiration des pourritures et des cadavres. Le radiologique, c’est polluer un certain nombre de choses, que ce soit des puits, de la nourriture, des populations, des forêts, tout ce que vous voudrez, avec les déchets résidus de l’action nucléaire, naturelle ou artificielle d’ailleurs.

Le biologique est vieux comme le monde. Je vous rappelle qu’autrefois les Bédouins empoisonnaient les puits dans le désert en y mettant un cadavre de chèvre, c’est une pollution biologique. Évidemment, aujourd’hui, on est beaucoup plus raffiné, on peut faire des horreurs en matière biologique et assez facilement.

Quant à l’arme chimique, c’est l’horreur absolue dans la facilité. Vous prenez par exemple n’importe quel produit détergent, n’importe quel pesticide, n’importe quoi, et en jouant sur la concentration, sur la température, vous obtenez des effets absolument inverses de ceux proposés par le fabricant. Et c’est ce qui rend aussi difficile la détection de ces proliférations biologiques et chimiques.

Quelqu’un disait, et je suis assez de cet avis, que pour faire du nucléaire, il faut être un État (je passe sur la bombe terroriste qui arrivera, j’en suis absolument certain) ; pour faire du radiologique il faut être un bon commerçant, c’est-à-dire qu’il faut acheter les déchets là où ils sont, il faut être un ferrailleur ; pour le biologique, il faut un laboratoire, une cuisine ; et pour le chimique, il suffit d’une cocotte-minute. C’est à peu près cela l’image que l’on peut donner pour voir ce que l’on peut craindre de ces différentes proliférations. Il y a des gens qui, avec des cocottes-minutes, en y mettant un peu de désherbant, peuvent tuer 40 personnes en 10 secondes dans une population. Heureusement pour nous, le chimique est une arme qui a une très grande difficulté à être bien distribuée. On la distribue mal, et donc l’efficacité n’est pas très bonne. Saddam Hussein par exemple, qui a essayé en grandeur nature contre les Kurdes, n’a réussi qu’à faire 5000 à 6000 morts d’un coup. Je suis désolé, c’est sale, mais la guerre est sale, on ne peut pas parler de ce genre de choses sans parler de ce qui est la réalité, sinon on n’a pas de véritable image des forces qui sont en jeu.


Pouvoir perturbateur et médiatisation

Sur ces États voyous, je vous donnerai deux éclairages. Le premier pour vous rappeler que c’est le fait qu’il n’y ait plus qu’une seule puissance super dominante qui incite, précisément par manque de possibilités de manœuvre, les États à devenir voyous. Cela est difficile à faire admettre aux gens. S’il y avait une bonne guerre froide, il y aurait moins de proliférateurs. De plus, il faut insister sur le fait que jamais dans l’histoire on n’a concentré autant de pouvoir de destruction en aussi peu de mains, et aussi peu de mains irresponsables. Et cela est très grave. Autrefois il y avait des espèces de taille critique d’État, mais c’est fini aujourd’hui, d’abord parce qu’il ne s’agit plus d’États et ensuite par ce que le pouvoir perturbateur est amplifié bien entendu par notre sensibilité aux médias. Aujourd’hui, ce qui est vrai, c’est ce qui se voit – en particulier à travers les médias - et cela, c’est l’horreur. Et tout ce qui ne se voit pas n’existe pas. Et, dans cette espèce de manichéisme, le pouvoir d’un perturbateur devient énorme parce que des gens irresponsables sur l’échiquier national peuvent se permettre d’aller au-delà de la cible. Il faut d’ailleurs remarquer qu’il y a une terrible continuité, mais aussi une gamme très étendue dans ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui le terrorisme. On va de quelque chose qui est beaucoup moins international que sans nation, jusqu’aux petites mafias dont le but principal est désormais surtout idéologique. Quand on regarde par exemple Mme Betancourt et les gens qui la détiennent, c’est exactement ce qui se passe aujourd’hui : c’est une maffia, mais ce sont des idéologues beaucoup plus que des maffiosi.


La métamorphose des conflits militaires

Troisième point : la difficulté, c’est que militairement les conflits ont complètement changé de mode. Clausewitz [1] est mort. Les conflits auxquels nous assistons aujourd’hui ne sont pas des conflits d’armées. La guerre en dentelle était finalement extrêmement civilisée : on désignait une armée, on la mettait en uniforme, on acceptait le sort de la bataille. Quand on ressortait vaincu, on avait politiquement perdu. C’est Napoléon qui a cassé tout cela. Cette guerre avait l’avantage de limiter le champ du conflit et de donner à la bataille une certaine valeur qu’elle a perdue aujourd’hui. Les conflits deviennent sans front, sans armées, les femmes se battent, la violence est extrême mais très ponctuelle localement et dans le temps. Et donc on n’a plus la nécessité d’avoir les armes, les moyens de défense, les stratégies, les accords, les alliances que l’on avait quand on faisait des batailles. En général, dans les batailles, c’était le plus fort qui gagnait. Aujourd’hui, on a l’impression, en tout cas médiatiquement et politiquement, si ce n’est militairement, que c’est la plupart du temps le plus faible qui gagne. Cela change tout quand on veut bâtir la défense d’un pays et d’un continent, il faut bien en tenir compte.


Les mouvements alter-mondialistes

On voit, pour en finir avec l’URSS, apparaître aujourd’hui une nouvelle forme de perturbation qui n’a plus rien à voir avec les autres, qui n’est pas encore militaire et qui le deviendra : c’est ce que l’on appelle les alter-mondialistes. Ces mouvements de revendications de toutes sortes sont pour nous maintenant une nouvelle forme de perturbateurs qui vont avoir leur importance et qui vont troubler le jeu sur l’échiquier national.


3 - Le 11 septembre : continuité ou rupture ?

Troisième étape après la chute de l’URSS et les perturbateurs, le 11 septembre. Je mettrais pour ma part dans le même sac le 11 septembre et l’Afghanistan parce qu’ils me paraissent extrêmement liés. Est-ce un tournant, une rupture ? Tout a été dit sur le 11 septembre, sur les faits. Finalement on est tout à fait dans la ligne d’Erostrate qui avait mis le feu à un temple pour que l’on parle de lui. On avait pensé que la meilleure manière de le punir était d’interdire de prononcer son nom. Et bien entendu son nom est arrivé jusqu’à nous ! Il y a de cela dans le 11 septembre. Cela fait très longtemps que nous savons qu’il y a des terroristes qui sont prêts à mourir pour leur cause, ou des gens non armés de mouvements insurrectionnels. On savait parfaitement un jour ou l’autre que le genre d’événements comme le drame du 11 septembre arriverait. Et je crois pouvoir vous dire, sans avoir beaucoup de chances de me tromper, qu’un jour ou l’autre une bombe atomique éclatera quelque part. C’est malheureusement inéluctable.

Sur l’effet du 11 septembre, les Américains nous ont donné une très grande leçon, d’abord parce que le nombre de morts a été absolument faible. On s’attendait à beaucoup plus de morts que cela. Ils étaient très bien organisés et les plans d’évacuation des tours existaient et ont été bien appliqués. Enfin, il y a eu une solidarité nationale extraordinaire que personnellement j’aimerais voir en France de temps en temps, ne serait-ce que quand il y a une petite canicule.

Mais c’est aussi une rupture. C’est la différence qu’il y a entre quelqu’un qui commet un péché et quelqu’un qui se vante de son péché. Entre les deux il y a la déclaration officielle. Le tabou est levé. Il y a quelques années, un avion libyen avait traversé toute l’Île-de-France, et tout le monde s’était demandé ce qui se serait passé si cet avion avait été rempli d’explosifs et avait explosé. On a fait des tas de plans et on continue de le faire. Le 11 septembre est tout à fait dans cette ligne. Mais maintenant c’est fait, c’est sur la table, et on ne peut pas s’en abstraire.

Ensuite, la deuxième rupture qui me paraît importante, c’est que c’est arrivé sur le territoire américain. Or les Américains, en matière de sécurité et de défense, parlent toujours comme des gens de Sirius : ils n’ont jamais été envahis. La France, elle, a été envahie en moyenne deux fois par siècle depuis 20 siècles. Maintenant, les Américains ont changé de mentalité, ils savent qu’ils peuvent être atteints dans leur chair, au cœur même de leur pays et qu’ils le seront d’ailleurs à nouveau. Au temps de la guerre froide, lors de la querelle des euromissiles que les soviétiques voulaient installer en RDA, les Américains souriaient parce qu’avant de les atteindre… Mais cela, c’est terminé, ils sont dans le même bain que nous.

Ensuite, le problème de la deuxième rupture, c’est la puissance de l’organisation. C’est tout de même la première fois qu’on voit une organisation sans visage, sans nation, sans lieu d’implantation. La seule chose qu’elle ait vraiment, c’est des moyens et des hommes. Mais on n’avait jamais vu une organisation aussi puissante. Et quand on cherche à ruiner Al-Qaïda, on a du mal. On n’arrive pas à trouver le cœur. Ils n’ont pas pignon sur rue.

L’affaire de l’Afghanistan est une réaction épidermique, mais c’est aussi un coup d’épée dans l’eau. On a rarement vu un conflit aussi peu utile que celui-là. Le seul résultat tangible, à part le départ des Talibans, c’est la culture de l’opium qui a redémarré. Mais politiquement et stratégiquement, cette guerre, ce n’est rien, c’est le vide.


4 - Le conflit en Irak

Quatrièmement : l’Irak. L’affaire irakienne, plus que la guerre d’Irak, est pour moi un événement très important. La guerre en Irak, c’est typiquement de l’anti-guerre froide. D’abord, ça commence de manière très Clausewitzienne, parce que les Américains ont fait une très belle campagne dans le désert. Ils sont arrivés à Bagdad. Et maintenant c’est complètement de la colonisation. Ils sont dans la situation du colonisateur. Ils sont aujourd’hui face à un vrai problème de colonisation. Ils ont commencé la guerre d’Irak contre nous, ils n’ont pas écouté les remarques sarcastiques mais parfois justes de que nous leur avons faites. Parce que finalement le comportement de la France en la matière, même s’il est allé à mon sens un peu loin dans la forme, était dans le fond quand même très raisonné. « Nous savons ce que c’est, il n’y allez pas, ne faites pas la même chose ». Ils ne nous ont pas écouté : ils y sont. La grande différence par rapport à la colonisation du XIXème siècle, c’est que nous, nous avions très largement colonisé par appel d’air, idéologiquement, ou bien même sur le plan de la foi, il y avait un vide qu’il fallait combler. Là, ce n’est pas le cas. L’Irak est une vraie nation. Il n’y a aucun vide. Ce n’est pas un appel d’empire, comme on appelle cela en théorie des états, c’est plutôt un renversement de trop-plein. L’erreur de base, c’est l’analyse initiale. Était-ce un problème à régler vraiment militairement ? L’issue de tout conflit est politique. Comment politiquement atteindre la fin de ce conflit ? On n’est pas face à Hitler. Face aux Nazis, il fallait tout raser, mais on n’est pas du tout dans la situation stratégique de la seconde guerre mondiale. On n’a trouvé aucune arme mais je peux absolument vous assurer qu’il y en avait et on le saura. Voir ce que j’ai dit plus haut sur la cocotte-minute. Du coup, dans ce conflit, les gens sont à contre rôle, c’est là-dessus que je terminerai sur ce point. Les Américains sont à contre rôle et leurs alliés sur le terrain sont les Chiites : c’est effrayant, c’est impossible, ça ne peut pas durer, il va y avoir un retour de bâton, et les rôles naturels vont revenir.

Pour moi, s’il y a un vrai changement, c’est surtout dans le comportement des États-Unis, qui maintenant sont peut-être un petit peu enivrés de leur présence unique, et ils se rendent compte qu’ils sont non pas seuls, mais les seuls à pouvoir. Et je pense que ça ne va pas pouvoir durer.

II - Le contexte européen

1 – États forts, États faibles

Je voudrais évoquer cinq points. Le premier relève de la théorie des États. Qu’est-ce qu’un État ? À quoi cela sert-il ? Faut-il des États forts ou des États faibles ? Le XIXème siècle était un siècle d’États forts, le XXème aussi. La communauté internationale a tout fait pour abaisser la force des États. Quand on fait cela, à l’intérieur d’un État, ça bouillonne, toutes les forces centrifuges reviennent. C’est la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. On a sans doute trop abaissé les États et donc on ne leur a plus donné les moyens de maintenir l’ordre. Tout à fait inconsciemment, on se met dans la tête, et surtout nous, les Européens, que la seule légitimité au monde aujourd’hui, ce ne sont pas les États mais l’ONU. Je trouve cela sidérant. Je me demande quelle est la légitimité de l’ONU en tant que gouvernement. En tant que décideurs. Comment sont désignés, élus, achetés, les États, les votes ? Quel est le fonctionnement démocratique du Conseil de sécurité, de l’Assemblée générale ? Quel est le rôle du secrétaire général de l’ONU, qui le contrôle, quelle motion de censure peut-il avoir ? Rien. Il n’y a aucune légitimité à l’ONU en tant que gouvernement.

L’ONU a été voulue, et c’est une excellente idée, comme un carrefour, comme un lieu d’échanges, où peut jaillir la vérité, mais c’est tout. Après il faut faire passer le relais à quelqu’un qui ait une certaine légitimité. Les organes de l’ONU aujourd’hui n’en ont pas. Regardez toutes les discussions de marchands de tapis qu’il y a sur la composition du Conseil de sécurité. Les motions sont des coups d’épée dans l’eau à chaque fois parce que l’ONU travaille par consensus mou, et ça ne marche pas. Ça ne marcherait pas mieux avec quatre tyrans, mais il faut trouver une solution médiane. On donne aujourd’hui à l’ONU une légitimité qu’elle n’a pas. La théorie des États est fondamentale si vous voulez organiser le système politique mondial parce que c’est de là qu’on part. Il faut qu’on ait des idées claires là-dessus, des idées saines. La France aujourd’hui a des idées claires, mais personnellement je ne les trouve pas très saines. On donne beaucoup trop d’importance, de poids, à l’ONU.


2 – L’explosion des minorités en Europe

Le deuxième point, c’est l’explosion des minorités en Europe. C’est tout à fait extraordinaire. Moi qui suis un vieux lecteur de Tintin, je trouve tout à fait extraordinaire l’émancipation des Moldaves, des Lettons, on est tout à fait dans Le Sceptre d’Ottokar. Les Lettons – contre lesquels je n’ai rien – n’ont jamais été indépendants dans l’histoire, à quoi cela rime-t-il ? Mais regardez aussi le Frioul, la Wallonie, regardez aussi la France, la Corse. Qui aurait imaginé il y a 20 ans qu’on parlerait aussi froidement d’un référendum dans une partie de la France pour savoir si on en était encore ou pas ? Il y a donc eu une énorme évolution, et ce n’est pas fini. Alors, chaque nation à son génie. Les Anglais font évoluer le Parlement de l’Écosse avec Sean Connery comme « égérie » si je puis dire ! La Catalogne, le Pays basque, partout c’est l’explosion.


3 – Quelle Europe ?

Le troisième point, c’est la soif d’Europe : elle est indéniable. Les gens se rendent compte qu’on est un petit commerce, qu’on ne s’en sort plus et qu’il faut passer à la grande surface ou au centre commercial - il y a différentes formules. Mais l’heure est arrivée, et on ne sait pas quelle Europe on veut. Et en particulier, toujours pour continuer sur la théorie des États, vous n’avez plus que deux pays dans l’Europe d’aujourd’hui qui ont encore une volonté de puissance, un souhait d’exister sur l’échiquier national : c’est la Grande Bretagne et la France. Et puis vous en avez un qui refuse d’en avoir, c’est l’Allemagne. C’est étonnant de voir combien l’Allemagne, sans doute traumatisée par son passé, n’a aucune volonté de puissance. Si vous regardez psychologiquement le choix des ministres des affaires étrangères de l’Allemagne depuis longtemps, c’est extraordinaire les personnalités qu’ils ont et la manière dont ils réagissent. Europe des nations, Europe des marchands, Europe de la culture, on ne sait pas.


Quel pouvoir de décision ?

Au niveau de la capacité de décision on n’y arrive pas non plus. M. Giscard d’Estaing préside une commission qui est remplie de bonnes intentions. Honnêtement, je ne sais pas très bien quel sort va être réservé à sa constitution. Pour avoir suivi de près le sommet de Nice, je puis vous assurer que pour moi cela été le sommet de la nullité. On a décidé qu’il fallait décider qu’on déciderait. On voulait mettre au point un système de majorité qui en soit un, ce qui veut dire que le poids des gros n’est pas le même que celui des petits. De concessions en concessions, on est arrivé à zéro. Il n’y a aucune substance dans le mode de décision du traité de Nice. Tout est à faire. Et c’est bien pour cela que les responsables ont créé cette commission Giscard pour essayer de voir si l’écriture d’une constitution européenne était possible. Et on voit bien aujourd’hui que cette constitution ira aux oubliettes [2].


La défense européenne

La défense européenne est quelque chose d’effrayant. On est dans le mou complet. On a décidé il y a une dizaine d’années à Petersberg que les responsabilités les plus importantes confiées à des forces armées européennes ne relevaient même pas du maintien de l’ordre. Ça n’a rien d’une armée. Il ne faut pas être militariste, mais il faut tout de même admettre qu’une armée ce n’est pas la police. Quand on fait aujourd’hui ce que l’on appelle du maintien de la paix, on a bien plus besoin de réparateurs, de maçons, d’urbanistes, d’architectes, de préfets, de maires, que de militaires, de canons et d’avions de chasse.


4 - L’Europe et l’OTAN

Aujourd’hui, le problème qui se pose est de savoir comment construire en Europe alors qu’il existe l’OTAN. Deux remarques. Est-ce que l’OTAN existe encore ? L’OTAN est une magnifique machine à gagner les guerres. On y fait travailler ensemble beaucoup de monde. Mais plus on veut d’Europe, moins on fait d’OTAN. Enfin, les Américains ne savent plus très bien ce qu’ils veulent comme Alliance atlantique. Lors du 11 septembre, on était exactement dans l’article cinq du traité de Washington, l’article central de l’Alliance atlantique, qui dit que si l’un des membres est attaqué, tous réagissent automatiquement militairement contre cette agression. Les Américains ont refusé toute aide. Cela a fait réfléchir un certain nombre d’Européens pro-Américains.

Ensuite, on voit bien que les relations entre l’Europe et les États-Unis divergent. Le général de Gaulle disait, dans son mémorandum de 1966, que les Américains ne resteraient pas éternellement en Europe. Pour le moment, les Américains n’ont aucune envie de partir. Ils peuvent jouer des alliances en Europe, diviser pour régner, pour que la fédération européenne soit le plus émasculée possible, la moins forte possible, et la moins nocive possible vis-à-vis des intérêts nationaux américains.


5 – La Russie

Enfin, quelle est la place de la Russie ? Ce n’est pas simple, car la Russie est une hydre. Elle a un œil vers l’Europe, un autre vers la turquicité et les mers chaudes. Il faut trouver une manière d’associer, car on n’en est pas encore à intégrer, la Russie à l’Europe et à l’OTAN. Aujourd’hui, nous sommes à l’OTAN dans une situation tout à fait paradoxale. Vous avez un certain nombre de conférences dont la France s’est exclue d’elle-même en 1966. Les Russes y assistent, et nous, membres fondateurs de l’Alliance, nous n’y assistons pas. Nous menons une politique de chaise vide que nous commençons à payer extrêmement cher. Il faut sans doute revoir les choses sur ce point.

III - La France

1 – L’avenir de la dissuasion nucléaire

Je voudrais évoquer trois points. Le premier est le nucléaire. Je suis un chaud et vieux partisan de la dissuasion nucléaire du faible au fort, et je pense qu’elle nous a beaucoup aidé et beaucoup servi, beaucoup apporté, c’est une bonne stratégie dans notre cas. Mais elle était valable quand nous avions en face de nous des responsables, des gens qui étaient techniquement responsables et qui étaient beaucoup plus joueurs d’échecs que joueurs de poker. Autrement dit, il y avait un certain blocage. Nous étions toujours épaulés par ce que l’on appelle le MAD dans l’OTAN, le mutual assured destruction, c’est-à-dire qu’il y avait tellement de bombes atomiques d’un côté et de l’autre que les deux parties savaient parfaitement qu’elles pouvaient se détruire mutuellement si elles le voulaient, d’où le blocage. Et nous, là-dedans, nous jouions le rôle non pas d’un perturbateur, dans le sens dont je vous ai parlé, mais d’un catalyseur éventuel, c’est-à-dire de cette petite graine supplémentaire qui peut permettre justement de progresser, vers plus de paix bien entendu, et donc c’était très bien.

Malheureusement aujourd’hui, sur le plan technique il est tout à fait clair que l’on a signé la mort à terme de nos armes le jour où l’on s’est interdit de les essayer, ne serait-ce que pour vérifier qu’elles sont en bon état. Et puis d’en concevoir de nouvelles. On n’imagine pas de ne pas renouveler un armement surtout en des matières aussi techniques. Il est mort. Et le président qui a décidé cela savait très bien ce qu’il faisait. Donc, techniquement, nous sommes dans une situation difficile.

Ensuite, si je crois beaucoup à la dissuasion du faible au fort, la dissuasion du bloc fort au bloc faible n’existe pas en la matière, parce qu’il y a toujours celui qui n’a rien à perdre, surtout après tout ce que je vous ai dit sur cette espèce de menace polymorphe des mouvements qui n’ont pas pignon sur rue. Quant à la dissuasion du fort ou du faible au fou, il n’y a plus ni fort ni faible face à un fou, et ce n’est vraisemblablement pas la dissuasion qui est le bon moyen pour arrêter un fou. Donc, le problème de notre dissuasion est d’autant plus sur la table que depuis 30 ans nous savons bien que l’Union européenne refuse les armes nucléaires françaises. On a donc un problème à résoudre. Alors, c’est très français, personne n’en parle. Aujourd’hui la situation n’est pas du tout en voie de résolution.


2 – La vocation mondiale de la France

Deuxième point, notre vocation mondiale. J’ai toujours cru à ce que l’on appelle la troisième voie, c’est-à-dire ni Russes ni Américains. C’était la politique de la France qui disait qu’elle pouvait proposer autre chose. Certes, elle ne pouvait pas la diriger comme les Russes et les Américains, mais en tout cas il y avait une autre ligne de pensée. La difficulté aujourd’hui ce n’est pas tellement de continuer à avoir cette ligne de pensée, mais c’est d’avoir une compatibilité entre une action nationale et une action européenne. Est-ce qu’on peut encore aller vers une Europe qui existe, qui soit solide, unie, qui ait une personnalité, en ayant un comportement national, mondial, tel que nous cherchons à avoir aujourd’hui ? C’est ça la vraie question. Je me garderai bien en tant que le géostratège d’apporter une réponse, mais la problématique est là. Et je crois que les Anglais, qui ont autant que nous, si ce n’est plus, une volonté d’agir et d’influer sur le monde, ont justement choisi une stratégie d’influence beaucoup plus qu’une stratégie de puissance. Nous avons, nous, aujourd’hui encore politiquement une stratégie de puissance, nous adorons donner des leçons au monde entier. Il suffit d’écouter au deuxième degré les discours de M. Védrine ou de M. de Villepin. Dans la façon dont ils parlent, ce sont des professeurs qui distribuent les bons et les mauvais points, en permanence. Je crois qu’il faut travailler sur l’influence. En tout cas, quand on a fréquenté les milieux internationaux, en particulier l’ONU et l’OTAN, je peux vous assurer que la puissance paye très peu, et que l’influence paye beaucoup plus. Il vaut beaucoup mieux, souvent, se battre pour avoir une secrétaire bien placée dans une section, plutôt que le directeur de la section. C’est souvent beaucoup plus efficace. Il y a des postes flamboyants, et puis il y a des postes utiles.


3 – Évolution sociologique de la France

Enfin, un dernier mot sur notre pays, c’est la sociologie. Ce n’est pas spécifique à notre pays, mais nous sommes sans doute ceux qui ont eu l’évolution la plus rapide parce que nous sommes un pays traumatisé par toutes nos invasions, et maintenant nous avons enfin la sensation que jamais plus nous ne serons envahis. Alors il se développe une espèce de sociologie que je trouve très bien résumée par un livre écrit par Jean-Marie Guehenno [3], et qui s’appelle « le culte du brin d’herbe » : tout le monde peut bien y passer autour de vous, du moment que l’herbe pousse bien dans votre petit jardin, c’est merveilleux, c’est le culte du brin d’herbe. C’est en fait une espèce de refus de l’autorité, en particulier de l’autorité politique : d’où qu’elle vienne, on refuse la légitimité des hommes politiques.

Militairement, la tendance se divise en deux combats contradictoires. D’un côté, une espèce de recherche de la technologie, ce que l’on appelle aux États-Unis la RMA, ce qui signifie la Révolution dans les Affaires Militaires. Toujours plus de technologie pour atteindre une guerre « propre ». Mais la guerre propre, ça n’existe pas. Par le progrès technologique, on tend plus à une certaine asepsie qu’à une certaine propreté. De l’autre côté, il y a cette tendance à faire des soldats de la paix. L’alliance de la mitraillette du stéthoscope. Mais là encore il ne faut pas confondre les rôles. Il ne faut pas que ce soient les mêmes personnes. En général ça ne marche pas. On vous montre toujours des photos de beaux gars camouflés, avec un bébé dans les bras : ce n’est pas leur rôle. Ils feraient mieux de porter une blouse blanche. Nous sommes en plein mélange des genres.

En plus, il faut bien voir que nous avons le chic aujourd’hui pour travailler dans une grande transparence. Il y a un grand principe en stratégie qui consiste à ne jamais dire ce qu’on ne fera pas. En particulier dans le domaine nucléaire, la France s’est interdit jusqu’à un certain moment de dire si elle frapperait ou si elle ne frapperait pas en premier. Et c’est très sage au point de vue intellectuel. Mais ce n’est plus du tout cela aujourd’hui. On travaille en transparence complète. Quand, par le passé, il y a eu des troubles au Liban, on a envoyé un porte-avions, et on a envoyé un jour des avions tirer sur une caserne. Mais auparavant, on avait prévenu la caserne. Dans ce cas-là, il vaut mieux rester chez soi et ne pas dépenser de carburant ou de munitions. Les types en face, d’ailleurs, n’ont pas compris du tout. Et c’est ce type de comportement vers lequel nous allons aujourd’hui. L’art de la défense est un art de surprise.

Conclusion

Pour conclure, je pense que le monde a changé beaucoup plus sur la forme que sur le fond et je pense que la France est à un moment important de son histoire, et elle devrait réapprécier ses objectifs et la manière de les atteindre en fonction du contexte dans lequel elle travaille. Car ce contexte a quand même beaucoup changé depuis une vingtaine d’années.

Amiral Philippe Mallard, ancien Major Général de la Marine Nationale. Ancien conseiller stratégique du chef d’État-Major des Armées.

[1] Karl von Clausewitz, général et théoricien militaire prussien du début du XIXème siècle (NDLR).

[2] NDLR : La conférence a été donnée avant les attentats qui ont touché Madrid le 11 mars 2004 et les élections législatives du 14 mars, qui ont conduit à un changement de la politique étrangère de l’Espagne, notamment sur la question européenne.

[3] Jean-Marie Guehenno, L’avenir de la liberté, conditions de la démocratie, Hachette, 1999.

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