Rechercher
Texte de méditation

Prière à Dieu : croire pour reconnaître. Proslogion, saint Anselme

Et Toi, ô Seigneur, jusques à quand ? Jusques à quand, Seigneur, nous oublieras-tu, jusques à quand détournes-Tu de nous ta face ? Quand nous regarderas-Tu et nous exauceras-tu ? Quand illumineras-Tu nos yeux et nous montreras-Tu ta face ? Quand te rendras-Tu à nous ? Regarde-nous, Seigneur, exauce-nous, illumine-nous, montre-Toi à nous. Rends-Toi à nous, que nous soyons bien, nous qui, sans Toi, sommes si mal. Aie pitié de nos labeurs et de nos efforts vers Toi, nous qui ne valons rien sans Toi. Tu nous invites, aide-nous. Je T’en supplie, Seigneur, que je ne désespère point en soupirant, mais que je respire en espérant. Je T’en supplie, Seigneur, mon cœur est rendu amer par sa désolation, adoucis-le par ta consolation. Je T’en supplie, Seigneur, dans ma faim j’ai entrepris de Te chercher, que je ne cesse pas, à jeun de Toi. Famélique, j’ai approché, que je ne me retire pas, inassouvi. Pauvre, je suis venu vers le riche, misérable, vers le miséricordieux, que je ne m’en revienne pas, vide et méprisé. Et si je soupire avant de manger, donne au moins que je mange après les soupirs. Seigneur, je ne peux, courbé, que regarder vers le bas, redresse-moi pour que je puisse tendre vers le haut. Mes iniquités se sont élevées au-dessus de ma tête, elles m’enveloppent, comme un poids pesant, elles m’appe-santissent. Dégage-moi, décharge-moi, que leur fosse ne presse pas sa bouche sur moi. Qu’il me soit permis de lever les yeux vers ta lumière, au moins de loin, au moins des profondeurs. Enseigne-moi à Te chercher, montre-toi à qui te cherche, car je ne puis Te chercher si Tu ne m’enseignes, ni Te trouver si Tu ne te montres. Que je Te cherche en désirant, que je désire en cherchant. Que je trouve en aimant, que j’aime en trouvant.

Je le confesse, Seigneur, et j’en rends grâce, Tu as créé en moi cette tienne image pour que je me souvienne de Toi, Te pense, T’aime. Mais elle est si abolie par l’ulcération des vices, si obscurcie par la fumée des péchés, qu’elle ne peut faire ce vers quoi elle fut faite si Tu ne la rénoves et réformes. Je ne tente pas, Seigneur, de pénétrer ta Hauteur, car je ne lui compare nullement mon intelligence ; mais je désire reconnaître quelque peu ta Vérité, que croit et aime mon cœur. Et je ne cherche pas non plus à reconnaître pour croire, mais je crois pour reconnaître. Car je le crois : si je n’avais pas cru, je ne reconnaîtrais pas.

Saint Anselme, Proslogion, ch. 1, trad. Michel Corbin, Paris, Cerf, 1986, p. 241-243.
Réalisation : spyrit.net