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Qohélet. Le parti pris de la vie. (Bertrand Pinçon)

Paris, Cerf, coll. Lire la Bible, 2011, 223 p.
Jérôme Moreau

Adoptant une lecture linéaire de l’Ecclésiaste, Bertrand Pinçon s’efforce de présenter le sens général du livre en s’appuyant sur des commentaires précis du texte, passage par passage. Son entreprise vise à mettre en évidence la manière dont le texte, connu pour son refrain « Vanité des vanités, tout est vanité », présente néanmoins une sagesse joyeuse, invitant à saisir les bonheurs de la vie accordés par Dieu. La vie est fugace, la sagesse humaine limitée, mais Dieu qui tient tout dans sa main peut accorder des moments de bonheur qu’il importe de savoir saisir. La sagesse consiste ainsi à la fois à craindre Dieu et à saisir le bonheur qu’il offre parfois.

Le caractère systématique de la lecture de ce livre compliqué est d’un grand intérêt, en mettant notamment en évidence les problèmes de composition du texte, ses grandes unités ainsi que le jeu à plusieurs voix entre les paroles de Qohélet et d’autres paroles de sagesse rapportées par lui sans qu’il les assume pour autant, en contrepoint de ses méditations. La voix de Qohélet est ainsi particulièrement bien mise en évidence, de façon plutôt claire, ce qui n’est pas un mince résultat pour un livre d’abord complexe.

Les aperçus thématiques qui concluent un certain nombre de chapitres permettent aussi de compenser heureusement la lecture linéaire de l’ouvrage en proposant des éléments de synthèse, même si la nécessaire anticipation sur la suite du livre ne permet pas toujours de bien saisir le sens de tous les passages convoqués. Le dernier chapitre, résolument synthétique, revient sur la question essentielle de la place du bonheur dans le livre en développant de façon convaincante, au regard de positions critiques récentes, les motifs qui permettent de voir dans le livre une véritable note d’optimisme et non une illusoire compensation aux maux de l’existence. L’analyse dégage en définitive deux temps dans le livre, un premier où Qohélet constate de façon lucide la dimension négative voire désespérante de la vie, et un second où s’ouvre un chemin de sagesse appuyé sur la saisie des moments de bonheur accordés par Dieu.

Il est dommage que l’argumentation se fasse parfois trop rapide, l’auteur proposant des interprétations sans les justifier suffisamment, ou sans donner à son exposé toute la clarté nécessaire. La présentation du texte scripturaire constitue l’autre difficulté du livre : l’auteur choisit parfois de présenter l’intégralité du passage qu’il commente, au début d’un chapitre, tandis qu’il le cite à d’autres moments seulement au fil du commentaire ; enfin, certains versets ne sont pas cités directement, bien qu’ils soient rapidement commentés, voire même mentionnés rétrospectivement dans la suite du livre. Dans la mesure où l’auteur choisit de commenter le livre de façon suivie, et en propose une traduction qui lui est propre, il est peu compréhensible et gênant pour la lecture qu’il y ait ponctuellement de tels trous, alors même que la citation de ces quelques versets n’alourdirait pas le propos, bien au contraire. S’ajoutant à des coquilles un peu trop nombreuses, ce dernier point donne l’impression d’un livre certes utile et bien conçu, à défaut d’être exhaustif, pour entrer dans ce livre difficile qu’est l’Ecclésiaste, mais parfois réalisé peut-être un peu trop rapidement.

Jérôme Moreau, Né en 1980. Ancien élève de l’E.N.S., agrégé de lettres classiques, des études de théologie et une thèse sur Philon d’Alexandrie. Enseignant à l’Université Lyon II.

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