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Questions disputées : L’Union du Verbe Incarné / De Unione Verbi incarnati (Thomas d’Aquin)

texte latin de l’éd. Marietti, introduction, traduction et notes par Marie-Hélène Deloffre, « Bibliothèque des textes philosophiques », Paris, Vrin, 2000.
M.G.
Peu à peu paraissent dans la « Bibliothèque des textes philosophiques » (fondée jadis par Henri Gouhier et éditée chez Vrin), des traductions et des commentaires de haute valeur sur l’une ou l’autre des Questions disputées de saint Thomas d’Aquin. On sait que ce genre littéraire, dans lequel le maître dominicain excellait, consistait à tirer parti d’un dossier contradictoire établi par des étudiants et à donner un éclairage synthétique sur un point relativement précis de théologie ou de philosophie. Celle qui fait l’objet de la présente publication, composée, semble-t-il, à la fin du deuxième séjour parisien de saint Thomas, est à peu près contemporaine des questions de la IIIe partie de la Somme Théologique (consacrée justement au Christ un en deux natures). On peut donc comparer le traitement des mêmes données dans une œuvre de synthèse, et dans un texte plus technique, et par là, plus incisif. C’est ainsi que s’expliquent les différences qui ont embarrassé les commentateurs. Pour saint Thomas, qui mène, dans la question disputée sur l’union du Verbe Incarné, la discussion avec une concision et une rigueur extrêmes, il s’agit de poser le point précis où la dualité s’inscrit dans l’unité fondamentale qui est celle du Verbe Incarné. Unité de « suppôt », d’hypostase, ou de personne, tout cela n’est pas nouveau, mais unité de l’étant concret qu’est le Christ, unité d’être … on arrive là au point extrême où l’on peut affirmer l’unité, la nature humaine ne constituant pas un deuxième pôle d’être, subsistant en soi. Pourtant, l’humanité du Christ n’est pas rien, elle est, mais en quel sens ? Saint Thomas parle d’un esse secundarium  : l’humanité n’ajoute rien au Verbe, mais elle existe par lui et en lui. Vient ensuite la possibilité de poser une double opération, car cette humanité n’est pas seulement passive, elle est douée d’une volonté et d’une intelligence, qui ont une vraie consistance et constituent comme « l’instrument conjoint » par lequel se manifeste le Verbe. L’extrême subtilité des débats, la finesse du vocabulaire demandaient un travail d’érudition très poussé, d’autant que cette question disputée, parfois méconnue, a été une pomme de discorde entre les différentes écoles thomistes. Marie-Hélène Deloffre, fille du professeur Deloffre et moniale à Kergonan, a fait un travail minutieux et convaincant, qui rend pleinement justice à la profondeur et à la liberté du grand Docteur, capable de nuancer ses propres penchants, de s’emparer du vocabulaire de ses protagonistes, mais soucieux avant tout de rendre hommage au caractère mystérieux et incomparable de l’union de l’humain et du divin dans le Christ.
Réalisation : spyrit.net