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Thérèse de Lisieux (1873-1897) : une apologie de la foi du charbonnier ?

Antoinette Guise

Aimer pour connaître, connaître pour aimer… faut-il faire de la petite Thérèse, avec sa petite voie et ses petites ruses d’amour, une anti-théologienne qui nous inviterait à cultiver une relation directe à Dieu et à faire l’économie des livres de théologie ? « Que je serais marrie d’avoir lu tous ces livres-là ! », confiait-elle à une novice en passant devant la bibliothèque du couvent, « je me serais cassé la tête, j’aurais perdu un temps précieux que j’ai employé simplement à aimer le bon Dieu » [1]]. Thérèse a, depuis, été proclamée Docteur de l’Église universelle… : une manière, pour Jean-Paul II, d’en finir avec la théologie systématique ? Les maigres feuillets des manuscrits autobiographiques, les poésies, les récréations pieuses, pèseraient donc aussi lourd que tous les articles de la Somme théologique  ?

La fécondité spirituelle de l’autobiographie de Thérèse de Lisieux, ainsi que la puissance de son intercession, plaident en faveur de l’excellence de cette voie, appelée par ses premières disciples « petite voie d’enfance spirituelle » [2]… Or qu’ont à faire les enfants de la théologie, puisque, comme le disait Thérèse elle-même, « les petits enfants, ça ne se damne pas » [3]… Nous-mêmes, notre but n’est-il pas de pouvoir un jour contempler notre Seigneur face à face ? À quoi bon perdre son temps dans les ouvrages de théologie, quand, à en croire Thérèse, il suffit de prendre l’ascenseur de la confiance pour s’élever vers Dieu dans les bras de Jésus ?

Thérèse a choisi d’aimer sans attendre. Lorsque, confrontée à l’imminence de sa mort, elle ne peut plus voir ni l’Aimé ni le Ciel, et alors que la religion ne lui apporte aucun réconfort sensible, elle décide de continuer à aimer, sans voir, sans savoir… sans connaître ? À l’aveuglette ? Pour Thérèse clouée sur son lit d’infirmerie, connaître l’Aimé, n’est-ce qu’une espérance, une promesse (qui, peut-être, n’engagerait que ceux qui y croient), un désir irréalisable ici-bas ?

Ce radicalisme nous troublerait sans doute moins si Thérèse ne nous était pas proposée comme modèle. Si, cataloguée comme mystique, surdouée de la foi, elle se laissait isoler du commun des fidèles, condamnés à ânonner le nom de Dieu sur des grimoires et à escalader péniblement, une marche après l’autre, la rude échelle de la sainteté, au prix d’un labeur ingrat et par l’exercice des vertus mortifiantes… Mais Thérèse a toujours prétendu que sa voie était celle des petits ; elle n’a pas hésité, d’ailleurs, à engager ses novices sur ce chemin qu’elle croit direct, rapide et sûr… « Il y en aura pour tous les goûts, excepté pour les voies extraordinaires », promettait-elle le 9 août 1897, peu de temps avant sa mort [4].

C’est la raison pour laquelle je propose ici une réflexion sur le rapport entre connaissance et amour chez Thérèse de Lisieux.

Théologie des saints ou théologie des théologiens ?

L’hommage de la théologie à la sainteté, quoi de plus naturel ? Mais… les saints que nous plaçons parmi les plus grands, ceux que nous aimons, qui nous enseignent, etc., furent-ils des docteurs en théologie ? Des professeurs de théologie ? Et, s’ils l’ont été, est-ce cette qualité qui en a fait pour nous des modèles et des amis ? Il me semble difficile d’évacuer ce point d’une réflexion sur les relations entre amour et connaissance : car si savoir n’est pas connaître, il paraît important d’en tirer les conséquences [5].

Lors d’un colloque organisé à l’Institut catholique de Paris pour commémorer le centenaire de la naissance de Thérèse, le théologien Hans Urs von Balthasar a tenu à souligner cette contradiction : « les saints ont peu de chance parmi nous [les théologiens], déclarait-il : nous savons mieux qu’eux. Dans bien des cas, même dans ceux d’Ars et Lisieux, nous nous sécurisons en prétendant que ces messages ont eu leur temps, et que nous pouvons, en toute tranquillité, lever les yeux vers de nouvelles étoiles. » [6] Il exhortait ses auditeurs à se plonger dans ce qu’il appelle « la théologie des saints », car, explique-t-il, « leur point de départ est là où aboutissent, comme elles peuvent, tant de sciences liminaires. Elles ne sont pas inutiles, bien sûr, [...] mais quels retards cependant, que de peine perdue quand on néglige cette théologie des saints comme règle d’une interprétation authentique de la révélation. C’est l’interprétation traduite dans l’existence et dans la prière et, si Dieu le veut, dans la pensée spéculative également. La justesse inspirée avec laquelle les saints les moins spéculatifs insistent sur certains aspects de la vie chrétienne peut avoir des effets imprévisibles sur la théologie vivante de l’Église. [...] La vie et la parole de Thérèse tirent de leur propre justesse une force toujours neuve pour nous guider. » [7]

Pour nous, cette distinction entre théologie spéculative et théologie des saints est une invitation à lire les saints d’une manière moins « pieuse » et plus théologienne.

Nous avons l’habitude de citer les saints, nous possédons en mémoire, peut-être même par écrit, à l’instar de Thérèse, un florilège des pensées qui font du bien à notre âme. Mais pour découvrir la théologie des saints, nous ne pouvons nous en tenir à ces bribes, et les méthodes de l’exégèse, en leur exigence, peuvent à profit être appliquées aux textes qu’ils nous ont laissés.

Deux principes, me semble-t-il, doivent guider le lecteur de Thérèse : premièrement, il importe, par une lecture attentive, de s’attacher aux détails. Le risque est grand, en effet, de se laisser abuser par l’apparente insignifiance de certains récits. Or Thérèse disposait de très peu de temps pour écrire : elle n’écrivait que pendant ses temps libres (une heure par jour peut-être), et se sentait pressée par la mort. Vers la fin, devenue incapable d’écrire, elle chargeait sa sœur de « faire savoir aux âmes » ce qu’elle n’avait pas eu le temps de développer. Pour prendre en compte la théologie d’un saint, il faut prendre en compte les conditions de l’écriture et les conditions mêmes de son existence.

Deuxième principe : considérer les textes non comme l’exposé d’une doctrine, mais comme le récit d’un itinéraire spirituel. Ce dynamisme de l’écriture apparaît très clairement chez Thérèse : je suis très frappée, à la lecture des manuscrits autobiographiques [8], de la fréquence des expressions telles que « je compris que » : Thérèse se révèle dans son autobiographie comme quelqu’un qui cherche à comprendre, quelqu’un qui cherche, qui désire, et qui comprend ; c’est donc une pensée en mouvement, qui est nourrie par ce qui fait son quotidien : vie communautaire, état de santé, vie spirituelle, méditation sur les textes liturgiques, menus incidents de la vie quotidienne... La doctrine se donne à voir alors qu’elle est en cours d’élaboration, et elle s’élabore au cœur de la vie même.

Pour saisir ce mouvement (qu’on aurait tendance à négliger à cause de la brièveté de la vie de Thérèse) il nous suffit de nous représenter ce que furent sans doute pour nous (qui pourtant n’avons pas connu la rude exigence d’un noviciat carmélitain au XIXème siècle !) les années de notre vie entre 15 et 25 ans : construction, maturation, richesse de l’expérience humaine… L’amour de Thérèse pour Jésus, au cours de ces dix années s’est développé, affiné, purifié, et une lecture attentive de ses manuscrits, dans l’ordre chronologique de leur rédaction, nous le montrera clairement.

Si l’autobiographie de Thérèse est un maître ouvrage de spiritualité, c’est en effet qu’elle nous donne à voir une âme en marche vers son Seigneur, au lieu de nous peindre le tableau sublime et décourageant d’une âme arrivée : lire Thérèse, c’est, pour reprendre une expression de Maurice Bellet, découvrir une « dynamique de la sainteté » [9], bien plus qu’un type de sainteté.

Reste une question : de quelle théologie les textes de Thérèse sont-ils porteurs ? Insister sur l’amour comme préalable à… tout, n’est-ce pas récuser l’effort, renoncer à former son intelligence, au risque de s’égarer dans l’illuminisme ?

Thérèse choisit de s’offrir à l’amour de Dieu, et non à sa justice ; de parier sur l’amour, qui seul accueillera sa faiblesse. Elle va même se servir de sa faiblesse comme d’une force : « les petits enfants ne se damnent pas ». Dans cette perspective, les pénitences corporelles, les efforts, le travail intellectuel passent au second plan, ils sont même parfois vus comme des obstacles :

[...] parce que j’étais petite et faible il [Jésus] s’abaissait vers moi, il m’instruisait en secret des choses de son amour. Ah ! Si des savants ayant passé leur vie dans l’étude étaient venus m’interroger, sans doute auraient-ils été étonnés de voir une enfant de quatorze ans comprendre les secrets de la perfection, secrets que toute leur science ne leur peut découvrir, puisque pour les posséder il faut être pauvre d’esprit !... [Mt 5,3] [10]

Comment comprendre cette certitude qu’a l’enfant de bénéficier de secrets dissimulés aux savants ?

Le père Anatole Flamérion (1851-1925), directeur de la villa Manrèse, exorciste du diocèse de Paris, et qui fut de longues années, avant d’assumer ces charges, professeur dans diverses maisons de la Compagnie de Jésus et était renommé pour ses qualités de directeur spirituel n’avait pas aimé l’Histoire d’une âme, découverte en 1901. Il avait même trouvé regrettable que les supérieurs du couvent aient encouragé la rédaction de ces textes. Pourtant, il avouait lors du procès être revenu sur cette première impression, et voici comment : « Cinq ou six ans plus tard, je fus obligé de reconnaître que la lecture de ces œuvres était très salutaire pour des âmes que je dirigeais. Je repris alors la lecture de ce livre que j’ai depuis beaucoup médité et je trouvai, qu’étudié avec réflexion, cet ouvrage présente une doctrine très profonde sur l’amour de Dieu comme force motrice d’une vie de sacrifice. » [11]

Au sous-promoteur [12] qui lui demandait si, à son avis, les écrits de Thérèse « entend[ai]ent conduire directement les âmes à l’union mystique sans tenir compte des exercices inférieurs de la voie purgative », il développa sa théorie de l’amour comme « force motrice » de la manière suivante :

La doctrine de sœur Thérèse n’est nullement quiétiste. Comme saint François de Sales [13], elle serre avec un gant de velours mais elle serre très fort. Si elle engage du premier coup les âmes à l’amour de Dieu, c’est pour leur faire trouver dans cet amour la force de pratiquer effectivement et dans les détails les plus positifs [c’est-à-dire concrets, NdA] les vertus mortifiantes.

Le débat qui eut lieu dès les premières lectures de l’Histoire d’une âme sur la place de l’effort et du sacrifice chez Thérèse est très intéressant pour la question qui nous occupe : mettre l’amour de Dieu en premier, ce n’est pas tenter d’échapper à la condition humaine. Comme dans la proposition de saint Augustin, « aimer pour connaître », l’amour est le moteur, le fondement de toute vie, et ce n’est que lorsqu’ils prennent leur source dans l’amour que se comprend l’exercice des dites « vertus mortifiantes ».

Thérèse, docteur de l’Amour divin

Comment cette primauté absolue de l’amour est-elle valable dans l’ordre de la connaissance ?

On met souvent en avant les réflexions désobligeantes que Thérèse aurait faites sur la théologie. Ainsi, les livres qui lui tombent des mains : « lorsque je lis certains traités spirituels, où la perfection est montrée à travers mille entraves, mon pauvre petit esprit se fatigue bien vite ; je ferme le savant livre qui me casse la tête et me dessèche le cœur. Je prends l’Écriture Sainte, et alors la perfection me semble facile. » [14]… Mais que cette réflexion ne nous dispense pas de nous instruire nous-mêmes ! Car voici ce qui dit par ailleurs la sœur de Thérèse à qui elle avait confié ce dégoût :

Si la Servante de Dieu goûtait, comme je l’ai dit, certains livres de piété, il est vrai de dire pourtant que ce qui fit surtout sa nourriture spirituelle, ce fut la lecture de l’Écriture Sainte, principalement de l’Évangile. Elle porta constamment ce livre sur son cœur et nous fit suivre son exemple. Dans la méditation des Livres saints, elle creusait beaucoup des passages de l’Évangile pour coordonner les faits d’après le récit des divers évangélistes. Elle s’affligeait de la différence des traductions et disait que si elle avait été prêtre, elle aurait appris le grec et l’hébreu pour connaître la pensée divine, telle qu’elle daigna s’exprimer dans notre langage terrestre. [15]
Que nous enseignent ces témoignages ?

Ils nous ramènent à une unique exigence : mettre l’Évangile au centre, orienter vers lui notre désir de connaissance.

Ils nous donnent une autre indication : chercher Dieu à partir de ce que nous sommes, et de ce qui nous est donné. Thérèse fait avec ce qu’elle est : une jeune carmélite de la fin du XIXème siècle, peu instruite, et ne disposant même pas d’une Bible. C’est pourtant d’elle que son premier préfacier, le P. Godefroi Madelaine, va dire : « n’est-ce pas merveille de voir comment une fille de vingt ans et quelques années se promenait dans le vaste champ des Écritures inspirées pour y cueillir d’une main sûre les textes les plus divers et les plus appropriés à son sujet ? » [16]. Car Thérèse est tellement nourrie des Écritures qu’elle cite les textes « naturellement » et abondamment en écrivant. Dans l’Histoire d’âme et sa correspondance, elle s’attarde parfois longuement sur certains passages de la sainte Écriture, nous livrant le fruit de ses méditations dans des textes dont le style s’apparente parfois à celui de l’homélie. Pourtant, loin d’écrire « texte à l’appui », elle faisait sa nourriture de la liturgie. Si elle avait été prêtre, nous dit-on, elle aurait appris l’hébreu ; si ses supérieurs l’y avaient autorisée, elle aurait fait un commentaire du Cantique des cantiques… Elle était carmélite, l’oraison était au centre de sa vie, elle en fit un levier pour soulever le monde :

N’est-ce point dans l’oraison que les saints Paul, Augustin, Jean de la Croix, Thomas d’Aquin, François, Dominique et tant d’autres illustres Amis de Dieu ont puisé cette science Divine qui ravit les plus grands génies ? Un Savant a dit : « Donnez-moi un Levier, un point d’appui, et je soulèverai le monde ». Ce qu’Archimède n’a pu obtenir, parce que sa demande ne s’adressait point à Dieu et qu’elle n’était faite qu’au point de vue matériel, les Saints l’ont obtenu [36v°] dans toute sa plénitude. Le Tout-Puissant leur a donné pour points d’appui : LUI-MEME et LUI SEUL, pour levier l’oraison, qui embrase d’un feu d’amour, et c’est ainsi qu’ils ont soulevé le monde ; c’est ainsi que les Saints encore militants le soulèvent et que, jusqu’à la fin du monde, les Saints à venir le soulèveront aussi. [17]

Sous sa forme, l’œuvre thérésienne est pour tous, et c’est là son plus grand intérêt : n’importe quel croyant peut découvrir ainsi les secrets d’une vie tout entière tournée vers Jésus ; la relation d’intimité amoureuse y est dite avec ses aspérités, ses attentes, ses incompréhensions, ses bonheurs…, sans artifices, révélations, extases, ou autres « effets spéciaux ». En ce sens, on peut bien considérer Thérèse comme une « ruse de l’Esprit-Saint » [18], car elle dévoile les « secrets du Roi » dans le murmure d’une brise légère.

Puissions-nous si solidement et si profondément enraciner notre désir de connaissance dans l’amour, puissions-nous l’orienter tout entier et sans relâche vers l’amour, pour qu’au soir de notre vie nous puissions dire avec Thérèse : « Pour moi je ne trouve plus rien dans les livres, si ce n’est dans l’Évangile. Ce livre-là me suffit. » [19]

Antoinette Guise, née en 1975, agrégée d’histoire, ancienne élève de l’Ecole normale supérieure Lettres/Sciences-Humaines ; prépare une thèse en sciences religieuses à l’Ecole Pratique des Hautes Études (« Miracle et canonisation : la dévotion à sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus entre 1898 et 1925 ») et enseigne actuellement à l’Université de Savoie (Chambéry) en qualité d’ATER.

[1] Cité notamment par sœur Geneviève de la Sainte-Face, sa sœur, dans sa déposition au procès de canonisation. [Procès apostolique, session du 30 juillet 1915, réponse à la 29e question.

[2] Le P. Conrad De Meester, dans sa grande thèse de théologie sur Thérèse de Lisieux, Dynamique de la confiance. Genèse et structure de la voie d’enfance spirituelle de sainte Thérèse de Lisieux, (publiée au Cerf en 1969, rééditée en 1995) a été le premier à mettre en évidence que la formule utilisée pour désigner la spiritualité thérésienne, « voie d’enfance spirituelle », était interpolée, et à signaler que l’expression « petite voie » ne se trouvait qu’une seule fois dans les textes : chapitre I, « Thérèse et la formule ‘enfance spirituelle’ », p. 736-780.

[3] Thérèse de Lisieux, Derniers Entretiens, CJ 10.7.1. Ces entretiens, d’abord publiés sous forme d’extraits, en annexe de l’autobiographie, puis à part (Novissima verba), et plus récemment sous le titre Derniers entretiens, ou « dernières paroles », sont d’origines diverses, et leur authenticité a longtemps fait problème, de même que la place qu’il faut leur accorder dans l’œuvre thérésienne.

[4] Thérèse de Lisieux, Derniers entretiens, CJ 9.8.2.

[5] Cette réflexion me fait penser que, dans les traductions les plus courantes de la Bible, l’acte d’amour charnel est souvent désigné par le verbe « connaître » ; ce n’est pas qu’une pudeur de langage : connaître, c’est aimer !

[6] Hans Urs von Balthasar, « Actualité de Lisieux », dans Thérèse de Lisieux, conférences du centenaire : 1873-1973, n° spécial des Nouvelles de l’Institut catholique de Paris, mai 1973, p. 108.

[7] Hans Urs von Balthasar, art. cit., p. 112. Souligné dans le texte. Urs von Balthasar s’interroge comme en passant sur ce que nous disent les doctorats de Thérèse d’Avila et Catherine de Sienne (illettrée) : y a-t-il une manière spécifiquement féminine d’être docteur de l’Église ?

[8] Le texte le plus connu de Thérèse de Lisieux est l’Histoire d’une âme, ouvrage composé, comme chacun sait, à partir de trois manuscrits autobiographiques commodément désignés, selon l’ordre chronologique de rédaction, par les lettres A, B, et C. La variété des conditions d’écritures, l’évolution spirituelle de Thérèse, la diversité des destinataires nous encouragent à les étudier séparément, afin de retrouver une vision dynamique de la spiritualité thérésienne : la théologie thérésienne est tellement incarnée qu’on ne peut l’étudier indépendamment de sa biographie, comme l’ont bien montré les travaux d’André Combes, dans les années cinquante, et plus récemment ceux de Claude Langlois.

[9] Maurice Bellet, jésuite, psychanalyste, a fait paraître une remarquable étude sur le sujet : Thérèse et l’illusion. Claude Langlois, dans Le désir de sacerdoce chez Thérèse de Lisieux, (Salvator, 2002, pp. 141-160), a montré notamment comment le désir de domination (assurer la plus sublime des vocations, se situer sur la montagne à intercéder, pendant que Josué combat dans la plaine, cf. lettre à Céline, 15 août 1892 [LT135] : « qu’avons-nous à envier aux prêtres ? ») s’apaise avec la découverte de la fraternité spirituelle en juillet 1896.

[10] Ms A, 49 r°. Je souligne.

[11] Procès apostolique, déposition du 25 août 1916, réponse à la 51e demande. Je souligne.

[12] Le promoteur de la foi est, dans un tribunal ecclésiastique, l’équivalent du procureur de la République dans un tribunal civil.

[13] La référence à saint François de Sales est heureuse, car l’éducation de Thérèse devenue orpheline avait été assurée par ses deux sœurs aînées, qui elles-mêmes avaient été élevées par leur tante visitandine. Or la congrégation de la Visitation a été fondée conjointement par Jeanne de Chantal et François de Sales.

[14] Lettre de sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus à Adolphe Roulland, mep, 9 mai 1897. [LT 226, 2 r°]. Je souligne. Notons qu’il ne s’agit ici nullement de théologie mais de traités spirituels.

[15] Sœur Geneviève de la Sainte-Face, lors du procès apostolique : réponse à la 20e question.

[16] Lors du procès de canonisation, il témoigna dans le même sens : « Elle avait, comme le montrent ses écrits, un sens profond de la Sainte Écriture ; elle a dû l’étudier avec beaucoup d’ardeur, car elle la cite continuellement et toujours bien à propos : c’est un fait remarquable pour une personne qui n’a pas fait d’études théologiques. » (réponse à la 20e question).

[17] Thérèse de Lisieux, Ms C, 36 v°.

[18] Emmanuel Mounier, cité par Bernard Bro dans La Gloire et le Mendiant, p. 16-17.

[19] Derniers Entretiens, CJ, 15 mai 1897.

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