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Une nouvelle édition de la Bible de Jérusalem en préparation

Matthieu Cassin

Cette présentation a été rendue possible grâce aux informations aimablement fournies par le Père Jean-Michel Poffet, o.p., actuel directeur de l’École Biblique et Archéologique française de Jérusalem ; qu’il en soit ici vivement remercié.

Il n’est sans doute plus besoin de présenter la Bible de Jérusalem ; ce projet, mené sous la conduite de l’École Biblique et Archéologique française de Jérusalem, institutfondé par le Père Marie-Joseph Lagrange, o.p., en 1890, a vu depuis sa première parution en fascicules (1947-1955), plusieurs éditions et révisions de la traduction et de l’appareil de notes élaborés lors de la première édition. Cependant, il n’était plus possible de reprendre sans cesse le détail de l’ouvrage, qui perdait en cohérence ce qu’il gagnait en précision de détail et en supplément d’annotation ; est donc lancé aujourd’hui un nouveau projet, une nouvelle édition, sous l’intitulé « La Bible en ses traditions », toujours sous la responsabilité de l’École Biblique. Il s’agit de reprendre sur nouveaux frais l’entreprise, en tenant compte des orientations nouvelles de la recherche, et tout particulièrement de l’attention plus grande portée à l’inscription du texte biblique dans différentes traditions textuelles et dans différentes traditions d’interprétation.

Voici les principes qui guident ce nouveau projet.

Qu’est-ce que la Bible ?

La Bible se présente comme un ensemble de textes qui affirment, par la relation et l’interprétation d’événements, voire de simples faits, au sein d’une mémoire croyante, la présence de Dieu dans une histoire comportant une origine et un terme. Pour la lire s’offrent deux possibilités de rapprochements et d’éclairages entre les textes :

  • tout d’abord, un éclairage par des textes extrabibliques, qui permettent de replacer les livres bibliques dans leur contexte géographique, historique et littéraire ;
  • ensuite, une forme d’intertextualité intra-biblique ou canonique, puisque la définition d’un Canon scripturaire conduit à considérer la Bible en son unité et donc à prendre en compte l’ensemble du corpus comme contexte de lecture immédiat de chacune de ses parties. La notion chrétienne d’accomplissement des Écritures incite à considérer avec attention cette voie.

Le texte

Étant donné l’ancienneté des textes considérés et l’ampleur de diffusion qu’ils connurent très tôt, étant donné également la lenteur du processus de canonisation des deuxTestaments, il serait, ici plus qu’ailleurs, fort aléatoire de chercher à restituer un « texte original ». Tout simplement parce qu’il n’est pas possible de définir ce que devrait être ce « texte original », du fait même du mode d’écriture de ces livres, qui sont souvent dus à plusieurs plumes, et parce qu’ils ont été longuement soumis à des processus de révision successifs. Critique littéraire et critique textuelle sont donc, dans ce cas, difficilement séparables.

Aussi la nouvelle édition de la Bible de Jérusalem veut-elle présenter des formes différentes d’un même texte, à condition toutefois que celles-ci soit pertinentes ; c’est-àdire que, pour que des formes différentes soient retenues, il faudra qu’elles aient exercé une influence sur l’histoire du judaïsme ou du christianisme et que cette variation textuelle ait une influence sur la traduction. De fait, on n’harmonisera pas le texte entre des versions différentes. Pour certains passages seront donc présentées les traductions de plusieurs versions ; par exemple, on pourra confronter le texte massorétique avec la traduction de la Septante, notamment lorsque le Nouveau Testament utilise comme témoignages des variantes portées par le seul texte grec [1].

Une telle édition, qui cherchera à confronter et rapprocher les différentes traditions du texte biblique, est aujourd’hui rendue possible par les travaux récents sur plusieurs courants de traduction et d’interprétation biblique ; on pense tout spécialement aux importants travaux menés sur la Septante par l’équipe conduite par Marguerite Harl, qui aboutissent à la publication progressive des traductions abondamment annotées des livres de la Bible grecque [2].

La réception du texte

Le projet éditorial de la nouvelle Bible de Jérusalem, comme pour les précédentes éditions, se place dans la tradition chrétienne catholique d’Occident et retient pour Canon scripturaire celui attesté par la Vulgate, Bible latine issue du travail de traduction et d’édition de saint Jérôme à Bethléem au cinquième siècle [3].

Cette édition cherchera à montrer comment la Bible s’est élaborée au sein de plusieurs traditions, hébraïque, araméenne, grecque, latine, syriaque, etc., le milieu d’origine de la version du Canon retenu étant celui de l’Église encore indivise des Pères grecs et latins. Elle sera donc attentive aux lectures patristiques et médiévales. Toutefois, elle sera également à l’écoute des traditions de l’Orthodoxie et de la Réforme ; pour ce qui est de l’Ancien Testament, tout en soulignant son accomplissement dans le Nouveau Testament, une attention spéciale sera accordée aux traditions juives.

Présentation

Vu l’ampleur et la diversité des traditions considérées et donc des informations à apporter pour éclairer la lecture, il est apparu impossible de mêler, comme cela se faisait jusqu’à présent, les différents registres de commentaire dans une annotation uniforme en bas de page, réunissant critique textuelle, archéologie, histoire, interprétation théologique, et ici, en outre, différentes traditions de lecture. Il a donc paru souhaitable de distinguer visuellement, par leur position sur la page, les différents registres d’annotation et de commentaire. C’est là renouer avec la présentation antique et médiévale d’un texte commenté, en milieu chrétien, juif ou païen, en entourant le texte-source par ses différents commentaires.

Conclusion

Le projet est mené sous la responsabilité du directeur de l’École Biblique, actuellement le Père Jean-Michel Poffet, qui a sous sa responsabilité un comité éditorial, où siègent notamment Marcel Sigrist, o.p., et Étienne Nodet, o.p. Des équipes de chercheurs seront constituées, qui auront la responsabilité d’un ou plusieurs livres bibliques. L’École travaille encore à préciser le projet : un livret, qui devrait paraître à l’automne, présentera plus en détail l’entreprise. La publication se fera d’abord, comme pour la première édition, par fascicules ; viendra ensuite un volume unique, complété par une introduction générale et un vocabulaire biblique, lequel reprendra les principales notes techniques situées à la fin de chaque fascicule. On pourra suivre l’avancement du projet, dont l’échéance est de quinze ans, sur le site de l’École biblique.

Matthieu Cassin, Né en 1980, élève de l’Ecole Normale Supérieure.
http://matthieu.cassin.org

[1] Cf. par exemple l’utilisation de la version grecque d’Is 7, 14, en particulier par Mt 1, 23.

[2] Voir dans ce numéro l’article de G. Bady, « Et Dieu parla grec : la Bible des Septante ».

[3] Voir ibid. l’article de P. Gandil, « La bible latine : de la Vetus Latina à la Néo-Vulgate ».

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